Chronique - On était des loups de Sandrine Collette

Chronique – On était des loups de Sandrine Collette

On était des loups de Sandrine Collette

Contemporain

LECTURE AUDIO – Roman lu par Thierry Hancisse

Roman lu dans le cadre de ma participation au Prix Audiolib 2023.

Date de lecture : 29-30 mai 2023

On était des loups, c’est le genre de roman qui me procure tout un tas d’émotions, en dépit de sa brièveté. Le genre de roman que je vis plus que je ne lis, d’autant que celui-ci est raconté à la première personne. J’ai été immédiatement séduite par le langage, très oral, qui rend le récit plus authentique et vivant.

Cette histoire se déroule à une période sans âge, là où la nature est vaste et l’homme petit. C’est dans cet endroit sauvage, où les voisins sont loin et rares, que Liam, le narrateur, vit avec sa femme Ava et son petit garçon Aru. Un mode de vie peu commun, en communion avec l’environnement, qui n’est pas toujours simple à vivre. Un soir qu’il rentre de plusieurs jours de chasse, il découvre sa femme morte et son fils terrifié.

“L’enfant qui dort devant moi est né depuis cinq ans bientôt six. Le temps a passé et je ne l’ai pas vu grandir, les enfants c’est le travail des mères. Moi je porte des armes j’abats des cerfs et je pars chasser pendant une semaine en bivouaquant sous les étoiles ou dans une tente, et au milieu de ces espaces-là il n’y a pas de place pour un enfant. Sa place à lui c’est à la maison auprès de sa mère et ça s’est fait naturellement, d’un côté moi avec mes deux gros et les forêts les bêtes la traque, de l’autre Ava et Aru. Il y avait deux mondes désormais et même le nom du gosse je ne le connaissais pas avant que ma femme le prononce.”

Ava n’est plus là. Mais il reste le petit. Une constatation qui déstabilise Liam. Qui va s’occuper d’Aru désormais ? Après tout, ce fils c’est sa femme qui l’a voulu, désiré de tout son coeur. Lui, il a accepté de lui en faire un, par amour. Pourtant, il savait bien que cet endroit, éloigné de toute civilisation, n’était pas l’idéal pour élever un môme. Alors, il ne s’est pas vraiment investi plus que cela dans la relation. Mais ça, c’est ce qu’il nous dit. Parce qu’en tant que lectrice, j’ai bien vu qu’il y était tout de même un peu attaché à cet enfant. Qu’il était heureux et fier de le savoir guetter impatiemment son retour, lorsqu’il rentrait de la chasse. Au point de ressentir un manque, une appréhension terrible lorsqu’il ne le voit pas courir vers lui, ce soir-là, dans la prairie.

J’ai été touchée par ce père à la communication maladroite, un peu gauche envers un fils qu’il connaît à peine. Un homme habité par la colère d’avoir perdu l’être aimé, la culpabilité, peut-être, de n’avoir pu protéger, l’indicible sentiment, profondément ancré, que s’il avait pu choisir entre la mère et le fils… Au fil du récit, on assiste à la rencontre de ces deux êtres, qui, tels des étrangers, vont s’apprivoiser, parfois dans la douleur. Au sens propre comme au figuré, ils vont cheminer, seuls, puis ensemble, vers un possible apaisement. Mais tous les chemins ne sont pas sans embûches…

La plume de l’autrice rend compte des silences, des regards – francs ou en coin -, des pensées que l’on n’exprime pas. Elle permet de s’imprégner de l’atmosphère, de visualiser le décor majestueux, la puissance de la nature mais aussi de ressentir l’imminence du danger. Car une fois en symbiose avec les protagonistes, Sandrine Collette nous guide vers un autre registre, là où la tension règne et avec elle, une angoisse sourde qui a plus d’une fois serré mon coeur de mère.

On était des loups m’a tout simplement emportée ! Il faut dire que j’ai écouté la version Audiolib et que le narrateur, Thierry Hancisse est incroyablement passionnant. J’ai ressenti une telle émotion à l’entendre nous conter cette histoire, avec sa voix un peu rauque, son respect des silences, si importants dans ce récit. D’autant que la ponctuation n’est pas simple et que les phrases sont parfois longues, avec ce flot de pensées qui surgissent, comme intarissables. Et Thierry Hancisse s’en sort à merveille ! C’est incroyable le plaisir que l’on peut ressentir à écouter un livre audio d’une telle qualité, d’une telle intensité. Cette version audio, c’est l’harmonie parfaite entre un roman et une voix, c’est un ensemble que l’on croirait indissociable tant les deux parties sont en symbiose. Une écoute qui m’a profondément émue !

Et comme les mots peuvent sembler parfois bien fades, rien de mieux qu’écouter un extrait pour se faire un avis.


Infos et Quatrième de couverture

On était des loups de Sandrine Collette
Édition audio : Audiolib – Parution : 14/09/2022 – Durée : 3h58min – ISBN/ASIN: 9791035411701 – Lu par : Thierry Hancisse – Genre : Littérature.

Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude : ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d’autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d’un enfant terrifié.

Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d’une nature aussi écrasante qu’indifférente à l’humain. Au fil de ces pages sublimes, elle interroge l’instinct paternel et le prix d’une possible renaissance. Thierry Hancisse, de la Comédie-Française, épouse l’écriture de Sandrine Collette et le cheminement de Liam.


L’avis des autres membres du Jury Audiolib

Parce que nous n’avons pas toujours les mêmes ressentis ou la même façon de parler d’un livre, voici quelques avis de mes collègues jurées. “On était des loups” semble avoir conquis la majorité des jurées, et pour cause, il fait partie des cinq derniers finalistes du Prix.


Quelques recommandations en rapport avec ce livre

Quand je pense à ce récit introspectif, à la relation entre ce père et ce fils, je me rappelle un autre roman, tout aussi superbe, Moana Blues d’Anne-Catherine Blanc, mais aussi Sukkwan Island de David Vann, où l’on retrouve également cette nature majestueuse et sauvage. Deux romans forts que j’ai beaucoup aimés. Sans oublier Animal, de Sandrine Collette !

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Cet article a 11 commentaires

  1. Oh, tu as fait quelques changements sur ton blog Caroline. Envie d’un peu plus de clarté dans les couleurs ? 🙂 Concernant le roman, il me semble avoir vu une chronique récemment à son sujet sur le Collectif Polar, qui m’intriguait déjà. Mais ce que tu dis sur cette relation père/fils est vraiment touchant. Et l’environnement, le décor semblent jouer une grande partie dans ce roman également. Merci pour ta belle chronique qui fait envie !

    1. Caroline

      Merci Ludivine !😊 Oui, comme chaque année (voire deux fois par an 🤣), j’aime bien changer un peu le style du blog. Le jeu de couleurs reste le même mais c’est vrai que j’ai choisi un arrière-plan plus clair.
      Concernant « On était des loups », c’est vrai que le décor compte énormément. En tout cas, il faisait partie de mon top 5 pour le Prix Audiolib.

      1. Oui, nous ne sommes pas dépaysé par tes changements, on ressent toujours ton style épuré et chaleureux. 😊 Et un peu de changement, ca ne fait jamais de mal. 😉
        En tout cas, merci pour cette belle chronique, je me laisserais peut-être tenter. 😊

  2. C’est dingue comme tu me donnes envie d’écouter des livres audio alors que ce n’est pas un format vers lequel je pensais me tourner réellement un jour… Tu me rends curieuse de découvrir ce roman, c’est certain.

    1. Caroline

      Merci ! Il y a clairement des versions audio qui sortent du lot, justement parce qu’elles sont en osmose totale avec le texte. Peut-être qu’une solution pour découvrir serait d’utiliser les deux formats pour un même livre. Je connais quelques personnes qui alternent entre l’audio et le papier.

    1. Caroline

      Je suis bien d’accord. J’aime beaucoup le côté introspectif, qui rend la lecture encore plus saisissante.

  3. Non seulement, il y a le talent de Sandrine Collette mais aussi la voix de Francis Hancisse qui sublime son texte. C’est une réussite totale pour moi ♥️

    1. Caroline

      Oui, j’avais d’ailleurs adoré ta chronique, aussi remarquable que le roman !

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