Chronique – Le roi de fer de Maurice Druon
Saga familiale historique
❤️LECTURE AUDIO – Roman lu par Jérémie Covillault.❤️
Roman lu dans le cadre de ma participation au Prix Audiolib 2023.
Date de lecture : 3-4 mai 2023
Ce roman est le 1er tome de la saga Les Rois maudits.
Lors de ma découverte, il y a de cela quelques années, cette saga historique de Maurice Druon avait été un véritable coup de coeur. J’avais écouté, et tellement adoré, l’intégralité de la version audio Livraphone, lue par François Berland, que j’avais quelques appréhensions à l’idée de partir sur la version Audiolib, lue par Jérémie Covillault. Appréhensions très vite balayées, dès les premières minutes d’écoute, grâce au talent de ce dernier et à la plume magistrale de l’auteur.
« Au début du quatorzième siècle, Philippe IV, roi d’une beauté légendaire, régnait sur la France en maître absolu. Il avait vaincu l’orgueil guerrier des grands barons, vaincu les Flamands révoltés, vaincu l’Anglais en Aquitaine, vaincu même la Papauté qu’il avait installée de force en Avignon. Les Parlements étaient à ses ordres et les conciles à sa solde. »
Vous pensiez que les romans historiques étaient du genre ennuyeux à mourir ? Maurice Druon nous démontre le contraire avec son histoire de rois maudits ! Dès son premier volet, cette saga révèle son lot d’intrigues ourdies en secret, de personnages retors et d’amants cachés qui font toute la saveur et l’intérêt de cette fresque passionnante. Une saga qui a fortement inspiré George R.R. Martin pour son Trône de fer, et on comprend aisément pourquoi !
Nous sommes au XIVe siècle, sous le règne de Philippe IV, dit le Bel, et quelques représentants de “l’Ordre souverain des chevaliers du Temple”, dont Jacques de Molay, sont sur le point d’être exécutés, brûlés sur le bûcher. Il faut dire que notre roi de fer n’apprécie pas qu’on lui fasse de l’ombre, lui qui se voudrait autorité suprême, à la fois royale et religieuse. Aussi, on se doute bien que les raisons de cette exécution sont fallacieuses et que les aveux des condamnés n’ont pas été obtenus de façon très glorieuse… C’est pourquoi avant de mourir, le grand Jacques de Molay lancera une terrible malédiction sur tous ceux à l’origine de sa torture et de son exécution : “Pape Clément !… Chevalier Guillaume !… Roi Philippe !… Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races !…” Et quand on regarde la suite de l’histoire, on se dit que le monsieur a mis tellement de ferveur dans ses paroles qu’il a fichu un sacré bordel !
Grâce au prologue, Maurice Druon nous permet de cerner, sans que cela ne soit rébarbatif, la situation politique de la France, et même de l’Europe, à l’époque. Les relations entre la France et l’Angleterre ne sont pas vraiment au beau fixe, et ce même si Philippe le Bel a marié sa fille Isabelle au roi Edouard II. À l’intérieur même du pays, les complots vont bon train et pour obtenir satisfaction, certains sont prêts aux plus diaboliques machinations. De ce point de vue, le comte Robert d’Artois est le plus rusé d’entre tous ! Pour moi, il est le protagoniste le plus marquant de cette saga et sa rivalité avec sa tante Mahaut donne lieu à des scènes absolument délicieuses. Car l’ami Robert n’est pas ravi d’avoir été lésé par le roi lors du partage des terres qu’il était censé recevoir en héritage. Il en garde une rancune tenace et compte bien se venger de la tantine et de ses filles. De son côté, Mahaut a si finement mené sa barque pour avoir la plus belle part du gâteau, qu’elle a même réussi à marier ses filles, Jeanne et Blanche, et sa nièce, Marguerite, avec les fils du roi… Cela dit, plus pour très longtemps car le brave Robert s’amuse à donner des petits coups de pouce au destin… Ah, Robert et sa gouaille ! On peut dire qu’il m’aura décroché quelques sourires celui-là. D’ailleurs, les dialogues sont succulents, si admirablement écrits qu’on s’y croirait !
“L’honnête, la pure, la chaste Marguerite s’est fait aménager en petit logis la vieille tour de l’hôtel de Nesle, afin, selon son dire, de s’y retirer pour oraison. Mais il paraît bien qu’elle y fait oraison tout particulièrement les nuits où votre frère Louis de Navarre est absent. Et la lumière y brille assez tard. Sa cousine Blanche, parfois sa cousine Jeanne, l’y viennent rejoindre. Rouées, les donzelles ! Si l’on venait à questionner l’une, elle aurait beau jeu de dire : « Comment ? De quoi m’accusez-vous ? Mais j’étais avec l’autre. » Une femme fautive, cela se défend mal. Trois catins acoquinées, c’est un château fort. Seulement, voilà ; ces mêmes nuits où Louis est absent, ces mêmes nuits où la tour de Nesle est éclairée, il se fait sur la berge, au pied de la Tour, en cet endroit ordinairement désert à pareille heure, un peu trop de mouvement. On a vu sortir des hommes qui n’étaient pas habillés en moines, et qui, s’ils venaient de chanter le salut, seraient passés par une autre porte. La cour se tait, mais le peuple commence à jaser, parce que les valets bavardent avant les maîtres…”
Et au milieu de tout ceci, il ne faut pas oublier les banquiers, véritable centre névralgique de l’Europe, maîtres de toutes les destinées. Car c’est bien connu, qui détient l’argent détient le pouvoir. Une situation qui peut s’avérer périlleuse et qui les oblige à surveiller constamment leurs arrières. D’autres ont brûlé pour une telle audace ! Ainsi nous allons suivre le jeune et charismatique Guccio Baglioni, “Joli garçon […] bien tourné, mollet sec, taille mince, yeux de troubadour” et collecteur de dettes avec un certain sens de l’honneur. J’ai beaucoup aimé ce personnage, qui prend part à l’action du pays de manière presque invisible, en toile de fond. Grâce à lui, nous voyageons à travers l’Europe et nous avons accès à certains des secrets les mieux gardés. Mais nous découvrons aussi l’autre France, celle des moins bien nés, pris dans l’étau des jeux de pouvoir. Non dénué d’une certaine naïveté, du moins dans ce premier tome, Guccio apporte un peu de fraîcheur… et d’amour à l’intrigue.
“— Guccio mio, Guccio mio, répondit doucement le banquier (et maintenant il avait les deux yeux bien ouverts), rappelle-toi toujours ceci : les secrets des grands de ce monde sont l’intérêt de l’argent que nous leur prêtons. Dans ce même matin, Monseigneur Jean de Marigny et Monseigneur d’Artois m’ont donné sur eux des lettres de crédit qui valent plus que de l’or, et que nous saurons négocier en leur temps.”
Une nouvelle fois, j’ai été absolument conquise par ce premier tome et j’ai pris un plaisir extraordinaire à revivre cette histoire, en compagnie de toute cette galerie de personnages remarquables. Une saga absolument passionnante et incroyablement vivante, qui ferait aimer la grande Histoire même aux plus réfractaires.
Mon avis sur la version audio :
Jérémie Covillault prête sa voix à la version Audiolib de la saga, et c’est une véritable réussite. En dehors du fait que j’adore son timbre, ce dernier dégage une telle chaleur et une telle vivacité dans son interprétation, que j’ai été pleinement transportée par l’écoute. J’ai imaginé sans peine toutes les personnalités de l’histoire, de l’exquise répartie de Robert d’Artois, au calme froid de Philippe Le Bel en passant par les manières séductrices de Jeanne. Je ne suis pas près d’oublier ma réplique favorite, celle d’un Jacques de Molay qui, sur le point de brûler, lancera sa terrible malédiction. Il faut le dire, une saga d’une telle puissance méritait bien un narrateur de cette trempe, et je suis complètement tombée sous le charme de cette version audio !
Et comme les mots peuvent sembler parfois bien fades, rien de mieux qu’écouter un extrait pour se faire un avis.
Infos et Quatrième de couverture
Le roi de fer (Les Rois maudits, tome 1) de Maurice Druon
Édition audio : Audiolib – Parution : 18/01/2023 – Durée : 8h23min – ISBN/ASIN: 9791035410896 – Lu par : Jérémie Covillault – Genre : Historique.
Préface de G.R.R. Martin, lue par Lemmy Constantine.
Les Rois maudits, célèbre fresque historique en sept volumes, font revivre le XIVe siècle, entre le procès des Templiers et les débuts de la guerre de Cent Ans. Traduits dans le monde entier, Les Rois maudits ont remporté un succès exceptionnel et sont considérés comme un des modèles contemporains du roman historique.
Le Roi de fer, premier volume du cycle, a pour figure centrale Philippe IV le Bel, roi d’une beauté légendaire qui règne sur la France en maître absolu. Tout doit s’incliner, plier ou rompre devant l’autorité royale. Mais l’idée nationale loge dans la tête de ce prince calme et cruel pour qui la raison d’État domine toutes les autres. Sous son règne, la France est grande et les Français malheureux.
Revendiquée par G.R.R. Martin pour avoir inspiré Game of Thrones, cette série culte, portée par le style à nul autre pareil de Maurice Druon et la lecture magistrale de Jérémie Covillault, rendra accroc quiconque y jettera une oreille !
L’avis des autres membres du Jury Audiolib
Parce que nous n’avons pas toujours les mêmes ressentis ou la même façon de parler d’un livre, voici quelques avis de mes collègues jurées.
- Cyrielle a trouvé ce « roman captivant ». Lire sa chronique.
- Pour Anne, ce fût une « bonne surprise ». Lire sa chronique.
- Les lectures d’Azilis pense que « l’auteur insuffle une certaine modernité à un roman historique écrit il y a près de 70 ans. » Lire sa chronique.
- Claudia a trouvé ce roman « captivant et addictif ». Lire sa chronique.
- Mathilde a « passé un bon moment » mais a eu « parfois l’impression de prendre un cours d’histoire ». Lire sa chronique.
- Domi a « aimé cette version audio qui [l]’a plongée dans l’histoire de France mais avec les mots et la belle écriture de Maurice Druon. » Lire sa chronique.
- Maeve trouve que « ce premier roman est assez génial ». Lire la chronique.
- Julie a « totalement accroché ». Lire sa chronique.
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Il va falloir également que je découvre cette série.
Meri pour ta belle chronique.
😊 Je crois vraiment que c’est une série historique qui vaut le détour, mais bon, tu l’auras compris, je suis fan ! 🤣. Dès le premier chapitre, on se retrouve plongé dans l’histoire et on ne voit pas le temps passer.
Je te remercie pour ton avis car ce roman, il me tente depuis longtemps mais il tend à m’impressionner. Vu ton enthousiasme, la pertinence avec laquelle le contexte historique, politique et économique est utilisé, la force de la plume de l’auteur et le narrateur, j’ai encore plus envie de le lire. Je pense me tourner vers cette version audio qui semble t’avoir convaincue pleinement !
Si tu as écouté l’extrait et que tu as entendu le fameux passage dont je parle (env. à 2:11 min), avec la réplique de Jacques de Molay, nul doute que tu choisiras la version audio pour découvrir la saga. 😁
Il est grand temps que j’entame à mon tour cette série qui fait l’unanimité auprès de ses lecteurs dont ton avis donne plus qu’envie !
Merci pour ton retour 🙂
J’espère vraiment que tu auras l’occasion de la découvrir prochainement Steven. Pour ma part, depuis ma découverte il y a quelques années, c’est ma saga favorite, celle que j’emmènerai sur une île déserte. Elle contient tout ce que j’adore, des intrigues, des personnages incroyables, de l’histoire et même de l’humour, le tout superbement écrit. Je pense que je vais tous les relire ! 😁