Chronique – Le bomian de Page Comann

Le bomian de Page Comann

Drame

Date de lecture : 10 oct. 2024

Sous la chaleur étouffante de l’été 1955, un bomian descend de l’autocar du Romieux, qui l’a conduit près du village de Mazet-sur-Rourle, dans les Alpes-De-Haute-Provence. Un étranger de passage, mais dans ces coins de terres arides, on n’aime pas trop les étrangers. Surtout lorsqu’il s’agit d’un beau gaillard blond et tatoué, qui n’a pas l’air du pays. 

La scène d’introduction résume avec génie tous les enjeux du livre, les personnalités essentielles, l’effet de groupe. « Compagnons de classe un jour, compagnons de chasse toujours. » Là-haut dans la garrigue, nous sommes les témoins muets du secret qui va lier les habitants. « C’est comme ça, au pays. Des secrets, on en a tous. » Il y a ceux qui savent et ceux qui font semblant de ne pas savoir.

Dès les premiers mots, j’ai su que j’allais aimer cette histoire. J’ai plongé avec une grande facilité dans le sublime décor de ce livre, dans ces paysages incandescents, dans ce hameau où chaque habitant possède un surnom et une réputation. Les auteurs ont choisi un beau panel de figures emblématiques pour incarner ce drame, un village cerné de collines et en son coeur, la place de la fontaine.

Il y a Glaudet, dit le Pabeu, un jeune homme à la naissance tragique, un peu naïf et considéré comme l’idiot du village. Il y a Lisou, la belle institutrice que tous les hommes convoitent, puis Mathilde, la mère éplorée, et Madeleine, la maire. Il y a le père Benoît, qui a bien des difficultés à garder ses ouailles sur le droit chemin. Et puis, il y a aussi les joueurs de cartes, Magnan, le bistrotier, et Biagio, le directeur de l’école. Ceux sont eux qui font la pluie et le beau temps, enfin surtout un, l’autre est plutôt lâche. D’ailleurs, le bistrot du Magnan, c’est un peu comme le saloon des westerns, quand vous pénétrez à l’intérieur, on vous détaille des pieds à la tête, histoire de bien vous faire comprendre que vous n’êtes pas d’ici et que, par conséquent, vous n’êtes pas le bienvenu. 

Vient enfin le grain de sel dans ce quotidien bien huilé, le bomian. Bogdan, ce bel étranger qui fait tourner la tête des dames et attise la rage des hommes. J’ai été touchée par cet homme encore hanté par ce pays d’Indochine où son âme est restée prisonnière. J’ai aimé sa loyauté et son sens de l’équité. 

Comme le curé depuis son « banc de l’observance », on regarde évoluer tout ce petit monde sous le soleil de plomb, on observe la méfiance des uns et des autres, la tension qui enfle, les paroles qui se libèrent, les passions qui se déchaînent, jusqu’à l’orage final. 

J’ai trouvé l’écriture superbe, sans parler de l’atmosphère, incroyablement bien dépeinte, et transcendée par cette chaleur suffocante qui exacerbe toutes les humeurs. 

Le bomian est de ces romans qui captivent et qui émeuvent, avec ses personnalités remarquables et son décor magnifique, son drame sous-jacent prêt à éclore. Un roman comme je n’en n’avais pas lu depuis longtemps, et qui, par certains aspects, m’a fait penser au Manon des sources de Pagnol. J’ai adoré !

Roman lu dans le cadre d’une opération Masse Critique de Babelio. Je remercie Babelio et la maison d’édition pour l’envoi de ce roman.

Infos & Quatrième de couverture

Le bomian de Page Comann
Éditeur : M Plus – Parution : 04/07/2024 – 306 pages – ISBN: 9782382112564.

Été 1955, Alpes-De-Haute-Provence.

Le village du Mazet-sur-Rourle se prépare à fêter le 14 juillet.

Un feu d’artifice sera tiré en apothéose au-dessus de la garrigue. Au coeur de cet été de canicule, l’arrivée d’un étranger, d’un bomian comme on dit au pays, fera exploser bien autre chose que des fusées.

Les secrets, les non-dits, les mensonges. Tout ce que les habitants cachent depuis trop longtemps derrière leurs jalousies.

Pour beaucoup, c’est l’heure des comptes.

Dans le théâtre d’une nature sublime et éternelle, indifférente aux malheurs mesquins des hommes et des femmes, un drame provençal où personne ne s’attend à la violence du bouquet final.

Recommandations de lecture

Si vous aimez ce genre de livres, je vous invite à découvrir Jean de Florette et Manon des sources de Marcel Pagnol, mais aussi Les silences d’Ogliano d’Elena Piacentini.

Du même auteur, j’ai lu

Souviens-toi de Sarah de Page Comann (Polar)

Mon avis : Diane, éditrice, reçoit un manuscrit anonyme qui ressemble fort à un témoignage. Touchée et émue par les mots de Sarah et ce qu’ils racontent, Diane se met en tête de découvrir la véritable identité de l’autrice. Aidée de ses collègues, elle va remonter les traces laissées par la narratrice dans ses « lettres ». Un jeu de piste qui la conduira sur des rives dangereuses, au point parfois de risquer sa vie. Alternant ainsi entre passé et présent, l’auteur nous plonge au coeur de la vie de Sarah dans les années soixante. Une vie loin d’être un long fleuve tranquille, souvent faite de douleurs et de violence, mais pas seulement. Certains passages m’ont remuée et j’avais envie de hurler contre ce destin qui s’acharne, contre l’infamie des hommes et l’hypocrisie de la société. Un roman bien rythmé et riche en péripéties qui m’aura captivée jusqu’à sa toute fin. Les émotions ressenties lors de ma lecture ont été particulièrement intenses et nul doute que l’empreinte de Sarah restera gravée longtemps dans ma mémoire.

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Cet article a 2 commentaires

  1. Lilou

    J’ai aussi beaucoup aimé ce bomian… Le duo d’auteurs est vraiment très doué… pour l’instant j’ai aimé leurs trois romans… Merci pour ta belle chronique !

  2. Hedwige

    Une belle découverte apparemment, je ne connais pas du tout mais tu m’incites à lire des romans que je n’aurais jamais lus sas roi, et toujours avec bonheur.

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