Vers ma fin de Sophie White
Date de lecture : 18-22 oct. 2025
Lecture audio, roman lu par Nadine Girard
Lecture n°25 du Pumpkin Autumn Challenge organisé par Guimause Terrier. 🍂 Menu Automne Frissonnant, Catégorie Les songes maudits de Carmilla (Gothique, Horreur) 🍂
« La nuit, ma mère grince. La maison grince avec elle. J’entends derrière la mince paroi qui nous sépare les divers éléments de ma mère gargouiller dans son corps comme l’eau circule dans les murs de la maison. Je déteste ce son. Le jour, il se noie dans le bruit de la radio et du vent, le bourdonnement de l’électricité. La nuit en revanche, dans le silence, ses intestins s’animent et elle paraît vivante, d’une manière qui n’est pas celle du jour. Ce regain me force à songer à ses déchets, à ses besoins, aux corvées dont ma grand-mère pour le moment se charge, mais qui bientôt vont m’échoir. Je n’en ai pas envie, et ça me donne mauvaise conscience. Je hais son corps – cette chose hideuse. »
Vers ma fin est un roman qui m’a malmenée. Dès le départ, je me suis sentie oppressée par les mots de la narratrice, Aoileann, qui raconte, sans aucune délicatesse et avec une aversion évidente, ses heures passées à s’occuper de la « chose du lit ». La « chose du lit », c’est sa mère. On ne sait pas encore tout à fait de quoi elle souffre, d’un handicap ou bien d’un mal profond, mais le fait est qu’elle nécessite des soins constants. La laver, la changer, la nourrir, panser ses plaies.
J’avais l’impression d’être moi-même dans cette maison sordide, avec une grand-mère autoritaire, à m’occuper de cette masse inerte. J’emploie volontairement le mot « masse », parce qu’il y a une déshumanisation voulue de cette mère, un vocabulaire adapté aux choses et non aux personnes, ce qui est notablement violent quand on débute la lecture. Si bien que j’ai dû mettre mon écoute en pause, le temps de m’interroger sur mon envie de continuer ou non à lire ce roman.
« Sa bouche bée toujours un peu, sauf si nous lui attachons la mâchoire, ce qui nous arrive fréquemment pour lui donner un air plus présentable. »
Un jour ou deux plus tard, j’ai décidé de reprendre, intriguée malgré tout par l’histoire de cette famille. Car on sent bien que la fille revient de loin, qu’elle n’est pas très équilibrée. Il paraît même qu’elle serait maudite. Enfin, c’est ce que disent les gens de l’île, et sa grand-mère. Car sur l’île, les croyances et les superstitions régissent encore les existences. Alors, maudite, je ne sais pas. Mais perturbée, ça c’est sûr. Il faut dire qu’elle vit recluse dans ce petit coin de terre depuis sa naissance, et que du monde elle ne connaît rien, si ce n’est ce qu’elle a pu lire çà ou là dans les quelques livres qui lui sont tombés sous la main.
Juste au moment où je commençais à éprouver une once de sympathie pour elle (à moins que ça ne soit de la pitié), l’histoire prend un tournant – ou disons qu’on sort de ce huis clos infernal et qu’il se passe enfin quelque chose – et ma sensation de malaise s’est accrue avec la fulgurance d’un éclair. Plus le récit avançait, plus j’étais déstabilisée, voire même carrément dégoûtée par les agissements de la fille. Être spectatrice de ces scènes morbides aurait été plus acceptable pour moi si cela avait amené de la tension dans la narration. En réalité, j’ai juste trouvé ça glauque.
« Vers ma fin » est un roman profondément dérangeant, qui n’a pas forcément était plaisant à lire. Il y a bien des idées intéressantes mais l’autrice ne les explore pas assez, à mon sens, pour qu’elles aient un impact une fois le livre refermé. J’ai plutôt eu le sentiment qu’elles n’étaient évoquées que pour servir de prétexte à l’horreur et non destinées à faire réfléchir sur les questionnements qu’elles soulèvent.
Est-ce que j’ai aimé ma lecture ? Honnêtement, je l’ignore. Cette histoire m’a affectée, et en même temps, j’avais envie d’y replonger, malgré moi. Une attirance malsaine mais irrépressible. À mon avis, je me souviendrai longtemps de cette lecture, et c’est une bonne chose, ça m’évitera de me jeter sans réfléchir sur le prochain roman qui portera la mention « gothique moderne » en quatrième de couverture.
Au moins, la version audio a su me séduire. L’interprétation de Nadine Girard colle à la perfection au personnage d’Aoileann, et met en lumière ce que ce récit peut avoir d’inconfortable et de malaisant.

Infos & Quatrième de couverture

Vers ma fin de Sophie White
Éditeur : Lizzie – Parution : 02/10/2025 – Durée : 5h59min – ISBN/ASIN: 9791036644023 – Lu par Nadine Girard – Genre : Thriller, Gothique.
Titre original : Where I End (2024) – Traduction : Anne-Sylvie Homassel.
Également disponible : 📕 En grand format chez Fleuve, 2025.
Un roman gothique moderne, viscéral et troublant, où les secrets enfouis ressurgissent avec une violence inouïe.
Sur une île au large de l’Irlande, Aoileann vit recluse avec sa grand-mère et sa mère, une présence inerte qu’elle appelle la » chose du lit « . Jamais elle n’a quitté cet endroit hostile, où les murmures du vent semblent porteurs de mystères anciens. Lorsque Rachel, une artiste venue du continent, débarque avec son nourrisson, Aoileann découvre une douceur et une chaleur qui lui ont toujours été refusées.
Mais sa fascination grandissante pour cette femme et son enfant se transforme bientôt en une obsession dévorante, réveillant les fantômes du passé et libérant des ténèbres qu’elle ne peut plus contenir.
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Le fait d’utiliser l’expression « la chose du lit » est vraiment fort, ca envoie tout de suite un message oppressant, je comprend clairement que tu te sois questionner au début de ta lecture. Ca m’intrigue mais ca me met aussi mal à l’aise car on sent rien qu’à ces quelques mots toute la rancœur, la colère sous jacente entre les deux personnages. Plus j’avance dans ta chronique et plus je me dis que cette lecture a quelque chose de poisseux, et je redoute déjà les agissements du personnage principal. Je crois que je vais passer mon tour. 😁 En tout cas, même si l’expérience a été étrange pour toi, tu sais qu’il va te marquer ce livre ! 😉
On sent l’ambivalence de tes sensations de lecture !
Je suis habituellement téméraire, mais je crois quand même que cette fois, je vais passer mon tour…
D’un côté, cette chronique ne me donne pas très envie – et en même temps… elle m’intrigue énormément 😅
😁 C’est difficile pour moi de conseiller ce livre, mais si tu le lis, je serai curieuse de savoir ce que tu en as pensé, et si tu as eu envie d’aller jusqu’au bout de ta lecture.
Ouh non je ne me sens pas capable de subir une telle relation malsaine.
Ce que je ne comprends pas c’est qu’on puisse s’y complaire en la laissant persister au lieu d’y mettre fin.
Merci d’avoir subi cette lecture, grâce à toi, je l’éviterai 😉
C’est compliqué pour moi de conseiller ce livre, car il faut bien connaître les lecteurs et lectrices. C’est une lecture assez spéciale, et je ne m’attendais pas forcément au côté glauque. Tu vois, je peux apprécier l’aspect malsain dans les roman surtout quand ça amène de la tension, autant là, je n’ai pas ressenti de tension mais un dégoût très profond. Au point que je faisais physiquement la grimace en lisant certains passages.
Ce livre a l’air bien glauque en effet, pas s’ur que j’aie envie de le découvrir. Bonne semaine
Glauque, c’est l’adjectif que je choisirais pour le qualifier. Cela dit, si cet aspect-là ne te dérange, tu pourrais bien apprécier ta lecture.
Il me semble avoir déjà lu un avis sur ce roman. En te lisant, il est certain que ce n’est pas du tout pour moi ce genre de lecture. Horreur et histoire de famille, relation mère-fille, tout ce qui me fait fuir ;-). Ta chronique est vraiment très explicite sur les émotions qui t’ont traversée … j’ai ressenti ton malaise, dès tes premiers mots ! Merci Caroline 🥰
Franchement, je ne m’attendais pas à ça. En fait, la littérature gothique, pour moi, ce n’est pas ça. Alors, peut-être que c’est de la littérature gothique moderne, mais pour moi, c’est plus de l’horreur. J’ai vu que certains l’ont qualifié de body horror, je suis assez d’accord. Du côté gothique, je n’ai retrouvé que l’aspect « folie », et encore…
Je ne connais absolument pas la littérature gothique, et je n’apprécie pas l’horreur, ni en film ni en roman ;-). Et ce n’est pas dû à mon grand âge, puisque lorsque j’étais jeune, aller au cinéma voir ce genre de film était une véritable torture (je passais la séance, la truffe cachée dans mon bras 😂)
Ah ah ! Ben alors c’est sûr, c’est pas un livre toi (même si je ne lui trouve rien de gothique).