Chronique - Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier

Chronique – Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier

Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier

Contemporain, Roman noir

Date de lecture : 14-16 déc. 2022

Cette fin d’année 2022 a été véritablement riche en lectures passionnantes, et c’est en beauté que je l’ai donc terminée. “Histoires de la nuit” fait partie de mes meilleures lectures 2022.

Dans un petit hameau de campagne quasiment désert, la famille Bergogne, composée de Patrice, Marion et Ida, ainsi que leur voisine Christine et son chien, mènent une existence des plus ordinaires. Jusqu’à ce jour où des individus louches viennent rôder dans les parages. Ce jour où tout va basculer.

« Ce matin, ils ont fait comme tous les jours : Patrice a travaillé aux champs, Marion a emmené Ida à l’école puis est allée à son travail, Christine s’est assise face à la toile qu’elle pensait avoir finie la veille […] »

Laurent Mauvignier c’est avant tout une écriture spécialement immersive, un phrasé puissant et intense, où le lecteur demeure en symbiose avec les personnages. Il se dégage de ce récit une forme de lenteur presque contemplative, où l’auteur décortique les pensées et les gestes de chaque protagoniste. Un ancrage dans la vie réelle, qui nous happe sans que l’on y prenne garde. Dans cette histoire qui va se transformer en huis clos, et où quelques heures vont paraître durer des jours, la tension est tellement présente qu’on en viendrait presque à manquer d’air.

J’ai aimé découvrir ce milieu rural à travers Patrice, le père de famille. Un éleveur, paysan, comme il en reste peu, qui tente par-dessus tout de joindre les deux bouts en vendant ses fromages. J’ai éprouvé une affection sincère pour cet homme profondément amoureux de sa femme, et dont la personnalité complexe m’a paru si authentique et si profonde. Mais c’est aussi le cas pour tous les autres personnages.

« Il passe du temps dans ses champs, ce qu’il fait ne ressemble pas à l’agriculture que son père pratiquait, c’est vrai, il a une femme et une fillette à nourrir et, quand il voit Ida courir vers lui, les yeux brillants de malice, si vivante, si joyeuse, il sait qu’il a raison de se méfier des pesticides, même s’il déteste les écolos qui le lui rendent bien – il sait que l’avenir de sa fille est la seule chose qui doit compter. »

Marion, la mère de famille, travaille en ville, dans une imprimerie, et c’est dans ces moments où l’on appréhende le mieux sa personnalité. Elle, si belle, si indépendante, si pleine d’assurance, qu’est-elle venue faire à La Bassée ? Une interrogation qui persiste, surtout au vu de son attitude tout juste polie envers son époux, presque indifférente parfois.

Une attitude qui ne passe pas inaperçue pour Christine, qui de fait, ne porte pas sa voisine dans son coeur. Il faut dire que Christine est très attachée à Patrice, comme une mère, et à la petite Ida, comme une grand-mère. Cette artiste peintre s’est elle aussi retranchée à La Bassée, il y a de nombreuses années, fuyant les paillettes. Une installation qui n’a peut-être pas plu à tout le monde, si l’on en croit les lettres anonymes qu’elle reçoit depuis quelques temps.

Et au milieu d’eux tous, il y a Ida, qui mène sa petite vie d’enfant. Les caresses au chien en rentrant de l’école, le goûter chez Christine, la peinture, les histoires que lui lit sa mère. Ida, particulièrement enthousiaste à l’idée de fêter l’anniversaire de Marion, qui aura quarante ans ce soir.

L’angoisse, d’abord lointaine, devient bourdonnante puis assourdissante. Le coeur serré, on sent le drame qui se profile, inévitable. On ne sait ni comment, ni pourquoi, tout juste quand, mais on voudrait arrêter le temps. On voudrait dire à cette famille que, finalement, la routine ce n’est pas si mal, car on sent bien, nous, qu’une tempête dévastatrice est sur le point de s’abattre sur leur vie.

J’ai tout aimé dans “Histoires de la nuit”, du style aux personnages, en passant par cette immersion si juste dans la vie quotidienne. La vraie vie, celle de tout un chacun, celle qui peut basculer pour un rien, pour un choix, pour des non-dits. Mais plus encore que pour le roman, c’est pour la plume de Laurent Mauvignier que j’ai eu un véritable coup de foudre !


Infos et Quatrième de couverture

Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier
Édition : de Minuit – Parution : 03/09/2020 – 640 pages – ISBN: 9782707346315 – Genre : Roman noir.

« Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années. On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau. »

J'ai lu/aimé cet article

En savoir plus sur Le murmure des âmes livres

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 15 commentaires

  1. dasola

    Bonjour, quel roman! Le premier que je lisais de Mauvignier. J’ai adoré le style. C’est beau la langue française. Bonne après-midi.

    1. Caroline

      Oui, je trouve qu’il est écrit vraiment bien. Pour ma part, je l’avais découvert avec « Continuer » que j’avais également beaucoup aimé. Mais « Histoires de la nuit » a ce petit quelque chose que j’adore et qui me donne envie de découvrir d’autres romans dans ce style.

  2. Très belle chronique Caroline, j’ai peut-être été moins emballée par le personnage de Bergogne, mais c’était vraiment une excellente lecture pour moi, j’ai retrouvé l’atmosphère dans ta chronique d’ailleurs et je suis certaine que les futurs lecteurs seront convaincus par le fait que tu n’en dévoiles pas davantage.

    1. Caroline

      Merci Katia ! Je suis contente que tu aies aimé ta lecture ! J’essaie de ne jamais trop en dire, parfois ce n’est pas si facile. 😊

  3. Bonsoir Caroline, comment vas tu ? 😊
    Je pense pas lire ce titre, je ne sais pas si je serais bon public, mais en tout cas, tu sembles avoir passé un moment touchant, remuant même, en compagnie de cette famille qui voit son quotidien sur le point d’être chamboulé. Je te souhaite une belle soirée. 😊

    1. Caroline

      Coucou Ludivine ! Effectivement, c’est le genre de roman (et d’écriture) qui peut ne pas plaire à tout le monde. Et puis, je suis sûre que tu as une longue liste de livres qui te tentent davantage ! 😉

      1. Ca c’est bien vrai, il y en a quelques un qui me font de l’œil depuis quelques temps. 🤭

  4. loeilnoir

    A lire ta chronique, je pense que ce livre pourrait me plaire !

    1. Caroline

      Je ne sais pas si tu as lu d’autres romans de l’auteur, mais si tu aimes son écriture, n’hésite pas ! 😉

      1. loeilnoir

        Non, je ne le connais pas du tout mais je le note car je pense que son écriture peut me plaire, merci !

  5. Hedwige

    Superbe chronique pour un superbe livre ! Merci Caroline.

  6. Patrice a l’air très attachant et ton avis retranscrit à merveille cette tension qui semble croître au fil des pages !

    1. Caroline

      Concernant la tension, le style de l’auteur y fait beaucoup, car il a une façon d’écrire qui nous oblige à communier avec les protagonistes, en quelque sorte, et à craindre pour eux. Personnellement, j’adore !

Laisser un commentaire (Markdown)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.