Chronique – Tant de cochons de Jacques Bablon

Tant de cochons de Jacques Bablon

Policier

Date de lecture : 22 mars 2025

Roman lu dans le cadre d’une Masse Critique Babelio.

« […] ici, c’est une région à cochons pas à moutons […] »

Nolan est fermier, et accessoirement un type assez détestable. Ou alors, un type détestable, accessoirement fermier. C’est selon. Enfin fermier, tout est relatif… Il y a fermier et fermier. Celui qui a une grosse exploitation, industrielle au possible, et pour qui « vivant » rime avec « pognon », et puis, celui qui essaie d’être raisonné, de prendre conscience de l’environnement autant qu’il le peut, même si ce n’est pas toujours simple. Le Nolan, il relève plutôt de la première catégorie. Remarque, ça va bien avec sa personnalité. 

Dans ce village, comme dans quelques autres, on n’aime pas trop les éleveurs de moutons écolos qui ne connaissent rien à rien et qui se permettent de donner des leçons de morale. On n’aime pas trop non plus que ces foutus écolos lèvent des lièvres, façon de parler, là encore. Enfin, tout ça c’est un peu compliqué, et puis finalement, ce qui devrait nous occuper, c’est plutôt Keelin. 

Keelin, c’est la soeur de Nolan, une jeune femme assez perturbante au premier abord, peut-être parce qu’elle est un peu perturbée justement. Dès le départ, on sent que sa relation avec son frère est étrange. Et puis, elle a l’air de ne pas le porter dans son coeur. Aussi, quand elle s’enfuit de chez lui pour rejoindre la ville, on n’est pas très étonnés. Seulement voilà, ladite Keelin semble avoir un objectif qui nous échappe complètement, et une fâcheuse tendance à déraper. Raison pour laquelle son frère la recherche activement. Il connaît du monde, alors ça aide. Pourtant, il a bien du mal à lui mettre la main dessus.

Et puis, étant donné qu’on est bel et bien dans un roman policier, on va suivre aussi Niels. Lui est un flic au bout du rouleau, professionnellement parlant surtout, et obnubilée par la mort de la femme en rouge, qu’il avait croisée lors d’une intervention. Cette femme, c’est Charlotte, une journaliste qui enquêtait sur la prolifération des algues vertes. Sa voiture a été sabotée, il a vu ça aux infos. Alors, arrêt de travail ou pas, Niels va mener sa petite enquête.

J’espère que vous avez le coeur bien accroché, parce que l’auteur ne fait pas dans la dentelle. Il n’emballe pas son propos d’un joli ruban rose. Non, il livre les faits au moment voulu, sans vous laisser le temps de digérer, parce que dans la vraie vie, l’histoire continue.

L’auteur entre rapidement dans le vif du sujet, et l’intrigue avance tout aussi vite grâce aux points de vue des différents protagonistes. Ils ne sont pas particulièrement attachants, ce qui provoque parfois une sensation de malaise et une ambiance qui tire tout de même vers le glauque à certains moments. Ce qui ne m’a pas empêchée d’être accaparée par l’histoire, que j’ai lue d’une traite, très curieuse de comprendre les raisons du comportement de Keelin. 

L’intrigue s’affine au fil des chapitres et l’étau se resserre pour offrir un final décoiffant, qui m’a apporté l’émotion que je n’attendais pas (plus). L’auteur a plutôt bien mené sa barque et a réussi à me surprendre plus d’une fois, sur des points en apparence secondaires mais qui ont tout leur intérêt plus tard. 

Il y a une tension dans ce roman qui m’a tenue en haleine tout du long, et je me suis habituée assez vite à ce côté brut de décoffrage. Ce genre d’écriture, j’imagine que ça ne plaît pas à tout le monde. Pour ma part, j’apprécie, car c’est une écriture très visuelle et réaliste, qui retranscrit l’urgence et qui colle au plus près des pensées des personnages. 

Tant de cochons est un roman policier qui tire son épingle du jeu par une certaine originalité dans la verve, par son panel de protagonistes, mais aussi par son propos sur l’environnement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce roman m’a surprise, par son ton, son écriture très visuelle, souvent crue, et ses personnages atypiques. Un roman policier comme j’en lis assez peu, ce que je pressentais déjà en lisant le résumé, raison pour laquelle je l’ai demandé lors d’une masse critique Babelio.

Extrait

« Avant, ici c’était un pays de bocage. Le moindre bout de terrain était entouré de haies touffues ; aubépine, prunellier, noisetier, épine-vinette, des chênes et des châtaigniers centenaires trônaient au milieu des prés, le lierre grimpait aux arbres, les ronciers prenaient leurs aises. À force de tout laisser pousser, on ne voyait presque plus le ciel.

Les fermiers ont commencé à respirer quand ils ont eu l’idée de mettre ensemble les petites parcelles et de se débarrasser de tout ce dont on pouvait se passer : les haies, les arbres, les talus, les mares, les chemins creux. Ça a fait des hectares en plus.

Les nouvelles machines, et le matériel qui va avec, sont comme des poissons dans l’eau dans les grands espaces, rien n’est trop grand pour elles. Avant, chaque paysan faisait sa petite affaire avec la terre – légumes pour la soupe, fourrage pour le troupeau – maintenant ils contribuent à nourrir le pays en produisant des céréales à la tonne. »

Infos & Quatrième de couverture


Tant de cochons de Jacques Bablon

Éditeur : M Plus – Parution : 30/05/2024 – 192 pages – ISBN: 9782382112373.

Keelin, Nolan. Une soeur, un frère. Keelin, inapte au travail, végète dans l’ombre de Nolan cultivateur à grande échelle sur des terres où la course au rendement est reine, les porcs sont engraissés entassés. Elle est fragile, imprévisible, il est craint, pas ouvert au dialogue. Elle est en butte au réel, le distord, le fait plus délétère qu’il n’est, lui ne remet rien en question, fait ce qu’il faut pour que tout reste comme c’est. Elle part vite en délire, lui ne doute de rien, exclut d’avance qu’il aurait tort. Les griffes, elles les a toujours sorties, la violence, il l’a toujours en lui. Raison chancelante chez l’une, déraison assumée chez l’autre. Ils se haïssent, elle le fuit, il veut lui remettre la main dessus. Elle passe à l’acte sur des coups de tête, lui se débarrasse sur le même mode de ce qui lui fait obstacle, ce qui vaut à tous les deux d’être traqués par les flics. Il y a aussi une journaliste dont la voiture a été sabotée qui cherchait à savoir pourquoi les algues vertes prolifèrent sur les plages, qui en dénonçait les causes, et qui a été tout droit dans un virage.


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Cet article a 5 commentaires

  1. Je me laisserais bien tenter, malgré l’écriture particulière que tu mentionnes. Mais ce roman a semblé te tenir en haleine, et j’aime beaucoup ce genre de récits. Je note donc. Merci pour cette découverte, Caroline. 🤩

  2. Entre le côté environnemental, l’écriture et les personnages, je suis intriguée. Je dois d’ailleurs dire que j’ai déjà très envie de découvrir ce qui se cache derrière le comportement de Keelin !

  3. Céline C.

    Merci Caroline pour la découverte de ce roman. Je ne connais pas l’auteur ; ce que tu en dis est très tentant, mais là je suis sous l’eau … 😱

  4. Pat0212

    Ce roman à l air original et sympa, ça fait toujours plaisir de remporter un roman intéressant à la MC. Bonne soirée

Répondre à Frédéric (La culture dans tous ses états)Annuler la réponse.

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