Chronique – Mon acrobate de Cécile Pivot

Mon acrobate de Cécile Pivot

Contemporain

Date de lecture : 18 nov. 2023

J’ai lu ce roman en lecture commune avec Coralie (@culture_kd sur Insta) et Marie. Il était dans ma liste d’envies depuis sa sortie, mais je n’avais pas osé me lancer car le sujet me semblait trop éprouvant. Finalement, j’ai trouvé cette lecture aussi belle que poignante.

Mon acrobate, c’est l’histoire de l’après. De la vie après la tragédie. De la survie après que notre cœur nous a été arraché. Comment fait-on pour vivre lorsqu’on a perdu son enfant ? Cette question, je suppose que tout parent s’y est confronté un jour en pensée. Quand on regarde cet être que l’on aime si fort, et que l’on se dit qu’on ne pourrait pas vivre sans. Quand on le regarde jouer, rire, pleurer, chanter et qu’on remercie l’univers de notre chance. Cette question, Izia et Étienne y sont confrontés de plein fouet, sans préavis, dans toute sa réalité déchirante, injuste et intolérable. Il y a eu la vie avant cet appel, et la vie après. Leur merveilleuse acrobate a été fauchée par un chauffard. Et ils n’étaient pas là. Ils n’ont pas pu la protéger.

L’acrobate, c’est Zoé. Elle a huit ans. Au début, je n’avais pas envie de le savoir, ni même de revivre des souvenirs la concernant. Je voulais rester à distance de cette enfant, je ne voulais pas l’imaginer. Seulement voilà, malgré moi je l’ai faite entrer dans mon cœur, j’ai fait corps avec la peine d’Izia. Bien sûr, en lisant le résumé, on sait que ce livre va nous sortir de notre torpeur, nous obliger à ouvrir notre cœur, nous malmener. Pourtant, ce roman est superbe.

« J’allais vivre. Je me haïssais pour cela.
J’aurais dû mourir à la seconde où Étienne m’avait annoncé la mort de Zoé. »

L’autrice nous conte l’histoire du point de vue d’Izia et d’Étienne. Ce qui m’a le plus marquée dans ce récit, c’est le naturel de la plume, sa simplicité (dans le sens le plus élogieux du terme). Les sentiments des protagonistes sonnent incroyablement justes, sans pour autant que l’autrice sombre dans le voyeurisme ou le pathos. Bien au contraire. Il y a une pudeur manifeste dans les descriptions, qui nous touche au plus profond de notre âme. On va assister à la lente évolution des protagonistes, durant les différentes étapes du deuil.

« Plus tard, trop tard, je passerais au crible, sans me lasser, les nombreuses éventualités qui auraient accordé la vie sauve à ma fille. Comme celle-ci : si Étienne avait eu moins de travail, tout cela ne serait pas arrivé. Je radotais, en vain. Pour me faire du mal. Mourir ou vivre, la différence tenait parfois à une coïncidence minuscule, une fraction de seconde en plus ou en moins, un oui lancé avec désinvolture, un mètre de trop, un avion plutôt qu’un train, un au revoir plutôt qu’un adieu. Passer au crible tout ce qui aurait pu être, aurait dû être, me fascinait. »

J’ai été secouée par la perception d’Izia, son besoin de décortiquer chaque minute, chaque seconde de ce drame jusqu’à le saisir dans son entièreté. Un besoin viscéral, impératif, de savoir ce qu’a ressenti sa fille au moment de sa mort, d’imaginer ce à quoi elle pensait à cet instant précis, l’endroit exact où elle se tenait. Une analyse qui la maintient dans la douleur, mais un processus qui s’avérait nécessaire pour avancer.

J’aurais cru qu’affronter ces douloureux sentiments, cette réalité fictionnelle pourtant si tangible, allait me noyer dans un océan de larmes. Mais pas du tout. Évidemment, j’ai été profondément émue, parfois jusqu’aux larmes, mais ce roman est bien plus que cela. C’est un beau roman, qui laisse place à la vie. Il ne s’agit pas de dire qu’une résilience est possible, ni de faire croire aux lecteurs qu’on guérit d’une telle tragédie. Le deuil est particulier à chacun, comme c’est le cas pour Izia et Étienne. Bien qu’ils soient tous deux très entourés, ils sont seuls avec leur peine. Puis, quelque chose se passe dans notre esprit, on croise des chemins, des destins, et la vie réinvestit peu à peu notre être.

Mon acrobate est un beau roman, écrit par une plume tout en naturel et délicatesse. Une lecture juste, émouvante, et en même temps lumineuse. Une lecture qui convoque tout un panel d’émotions et que j’invite à découvrir.

Infos et quatrième de couverture

Mon acrobate de Cécile Pivot
Éditeur : Calmann Lévy – Parution : 17/08/2022 – 304 pages – ISBN: 9782702184677
📘En poche, chez HarperCollins, 2023

Quand la mort nous fait redécouvrir la vie

Un matin, Izia regarde son mari quitter l’appartement où ils ont élevé leur fille, Zoé, renversée par un chauffard quelques mois auparavant. Elle n’a pas un geste pour le retenir, soulagée d’être seule avec son chagrin, libre de s’enfermer dans la chambre intacte de son enfant.
Mais, au fil des jours, la faim, le besoin de marcher, de sentir le soleil sur sa peau, reviennent. Izia comprend qu’elle doit vivre cet « après » et trouver une activité où nul ne sait rien de sa perte. Ainsi devient-elle une drôle de déménageuse, aidant ceux qui ne savent pas ou ne veulent pas jeter, trier, ranger, vider.
Sa rencontre avec Samuel, un jeune homme au franc-parler déconcertant, et toutes les personnes que son travail insolite mettra sur sa route sont les premiers fils bien fragiles qui ramèneront peu à peu cette femme perdue vers la vie.

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Cet article a 13 commentaires

  1. Ça a l’air superbe, mais je ne me sens pas prête à affronter ça… cette angoisse qui, bien sûr, m’a déjà effleurée… non,je ne suis pas prête pour ça 🙈. Mais ton retour est superbe.

    1. Caroline

      Je te comprends Nath, j’ai eu du mal à passer le cap de me lancer dans cette lecture. Trop dur quand tu sais que tu vas inévitablement transposer ce récit à ta vie personnelle. Néanmoins, il y a des passages lumineux aussi, des personnages autres que les parents, qui sont très attachants.

  2. De cette auteure, j’avais découvert « Les lettres d’Esther », qui avait été un très beau coup de cœur. Je n’ai pas découvert « Mon acrobate », mais j’en ai énormément entendu parler. Du coup, ton avis est plus que convaincant. 🤩

    1. Caroline

      Je ne connais pas le roman dont tu parles, mais je le note car j’ai envie d’en lire d’autres car j’ai beaucoup aimé sa plume.

  3. Je la trouve bien mignonne cette couverture 🙂 et pourtant le sujet me donne des frissons à peine j’ai débuté la lecture de te chronique. L’auteure semble avoir trouvé la justesse pour évoquer ce terrible drame, c’est bien qu’elle ne soit pas tombée dans le piège du pathos ou du voyeurisme. Cette lecture semble t’avoir beaucoup touchée et ta chronique est très belle !

    1. Caroline

      Merci Ludivine ! 😊 Une lecture qui m’a beaucoup touchée et que je suis heureuse d’avoir faite. C’est grâce à Coralie, car si elle n’avait pas proposé une lecture commune sur Instagram, je pense que je n’aurais jamais eu le courage de me lancer dans ce livre. Là, je me suis dis, allez, c’est l’occasion ! 😁

  4. Il m’attend sagement dans ma pal. Je lis très bientôt 😉 Merci pour ton sublime retour !

    1. Caroline

      Merci Julie, bonne future lecture, qui, j’en suis sûre sera belle.

  5. En te lisant, j’ai déjà eu des frissons alors j’imagine l’intensité de cette poignante lecture.

    1. Caroline

      Oui, c’est sûr, je ne peux pas dire le contraire, mais en tout cas, c’est tout de même un beau roman. Cela dit, je sais que j’ai choisi le bon moment pour le lire, c’est important car peut-être que je n’aurais pas pu passer les premières pages.

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