Chronique – Un soir d’été de Philippe Besson

Un soir d’été de Philippe Besson

Contemporain

Date de lecture : 23 janvier 2024

Alors que le narrateur revient sur l’île de Ré, où il avait pour habitude de venir en vacances lorsqu’il était adolescent, il croise une silhouette qui lui semble connue. Il se souvient alors de cet été 1985, des derniers jours d’insouciance avant de basculer dans l’âge adulte, par la force du destin. Les années ont passé et pourtant cet été et la tragédie qui l’accompagne hantent toujours notre narrateur. Une simple silhouette, une attitude familière, suffit à faire renaître en lui espoir et tristesse.

« Notre conversation est entrecoupée de longs silences, pendant lesquels on contemple la plage, les gens, la jolie fille, deux types musclés qui se lancent un frisbee, la jolie fille de nouveau, mais presque jamais la mer, parce qu’il ne s’y passe rien, parce qu’elle a toujours été là et qu’elle y sera toujours. Dans ces silences ne se loge aucun embarras. Ils sont là, c’est tout. »

Il y a ceux qui vivent ici toute l’année, François, Christophe et Nicolas. Et puis ceux qui sont de passage, régulièrement ou non, Philippe, Alice et Marc. On observe avec tendresse ces jeunes adultes d’environ 18 ans, profiter de leurs vacances d’été. Une bande de copains qui vivent à pleins poumons, drague, amour et coups de sang. Des après-midi à traîner sous la chaleur estivale, entre sessions plage, rires et discussions, et des soirées à suer sur la piste de danse et à se bécoter dans les toilettes. L’été banal d’une fin d’adolescence, jusqu’au jour où survient le drame.

Un drame qui va se répercuter dans tout leur être, laissant place au désarroi, à la terrible chute vers un monde auquel ils n’étaient pas encore tout à fait préparés. Mais on l’avait déjà pressenti, quelque chose dans l’air, une petite tension sous-jacente instillée par l’auteur et qui avait mis tous nos sens en éveil. On s’était mis à observer les visages, à lire entre les lignes, car la détresse n’est pas toujours évidente à déceler, même pour qui veut voir.

J’ai beaucoup aimé ce roman qui nous étreint davantage par les sensations qu’il procure que par le drame qui constitue son essence. Philippe Besson décrit avec une simplicité émouvante ces jours d’été entre amis, où vivre consiste à simplement se laisser vivre, protégé par un temps qui nous enveloppe de ses ailes rassurantes. L’auteur retranscrit à merveille l’ambiance de ces moments estivaux, qui nous rappellent inévitablement nos propres souvenirs, peu importe notre âge ou notre génération.

Un soir d’été raconte la fin de l’adolescence, convoque souvenirs personnels et émotions intenses. C’était ma première rencontre avec la plume de Philippe Besson, et elle a été couronnée de succès.

« Je me dis : toute cette scène est irréelle, ahurissante, nous ne pouvons pas être en train de vivre un truc pareil. Quand je m’efforce de m’en détacher et de contempler ce moment comme si je n’en faisais pas partie, la folie de la situation me saute encore plus aux yeux. Nous ne devrions pas être là, nous ne sommes pas préparés à ce genre de chose, nous ne sommes pas taillés pour ce genre de chose, ça nous dépasse, ça nous effare. Et pourtant, nous sommes bien là, nous avançons, concentrés, méticuleux, obéissant à des directives à la fois précises et insensées. La seule certitude, c’est que nous nous en souviendrons, c’est inoubliable. Inoubliable. Et, à l’évidence, nous n’en sortirons pas indemnes. Nous sommes en train de perdre notre candeur, notre insouciance, notre pureté. Notre innocence. Oui, voilà, c’est ça, exactement ça : c’est la fin de notre innocence. »

Infos & Quatrième de couverture

Un soir d’été de Philippe Besson
Éditeur : Julliard – Parution : 04/01/2024 – 208 pages – ISBN: 9782260055808
🎧En audio chez Lizzie, 2024

« Nous étions six – cinq garçons et une fille – insouciants, frivoles, joyeux, dans un été de tous les possibles. Pourquoi a-t-il fallu que l’un d’entre nous disparaisse ? »
S’inspirant d’une histoire vécue, Philippe Besson retrace un drame de sa jeunesse, survenu dans l’île de Ré, un soir de juillet, au milieu des années 80.

Recommandations de lecture

J’aime beaucoup les romans qui évoquent les souvenirs et je ne compte plus ceux que j’ai lus et qui se passent en été.

Que reviennent ceux qui sont loin de Pierre Adrian. Une partie de ce roman est une petite Madeleine de Proust, qui m’a replongée dans mes propres souvenirs d’enfance. Un roman d’une grande force évocatrice, sublimé par une plume délicate, qui m’a beaucoup émue. Lire la chronique.

Un jour ce sera vide évoque l’enfance avec sensibilité et poésie. Un récit empreint de mélancolie, que l’on quitte avec regret, laissant dernière nous les grains de sable chaud et les méduses échouées sur la plage. Lire la chronique.

Treize d’Aurore Bègue. Alice, la narratrice, se souvient de l’été où tout a basculé. Elle a treize ans. Elle sort doucement de l’enfance pour entrer dans cet âge où on est à la recherche de soi. Où le monde qui nous entoure nous semble, sans trop savoir pourquoi, différent, étranger. Cet été là, elle observe les gens qui gravitent autour d’elle.

Au début du roman, Alice est encore un peu une enfant. de ses souvenirs on ressent la joie, l’été, la mer, les odeurs agréables. Puis la tension monte crescendo, et le ton change de façon subtile, habile. On devine qu’un drame va se produire. L’autrice alterne avec succès entre la clairvoyance d’Alice, qui entretient un certain suspense, et son côté enfantin, encore naïf, qui redonne sa légèreté au récit.

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Cet article a 16 commentaires

  1. Sandrine

    Pour ma part, je l’ai découvert il y a déjà plusieurs années avec « Un instant d’abandon » qui ne m’a pas du tout donné envie d’en découvrir plus…

    1. Caroline

      Ah ce livre est dans ma liste à lire prochainement (forcément puisque j’ai prévu de les lire tous 😁). Je verrais bien, mais je pense commencer par Ceci n’est pas un fait divers.

    1. Caroline

      J’avais vu passer ses livres régulièrement mais je m’en faisais une image différente. En réalité, c’est un auteur à découvrir, qui écrit avec délicatesse et simplicité. Impossible de rester de marbre, on fait corps avec les personnages. J’ai encore plus adoré son Paris-Briançon, que j’ai lu juste après celui-ci.

  2. Ludivine

    Je ne connais pas cet auteur, mais clairement tu sembles avoir apprécié sa plume et l’ambiance qu’il a insufflé à son récit. Merci pour ton retour. 🙂

    1. Caroline

      Je suis vraiment contente d’avoir pris le temps de le découvrir avec ce roman car j’ai eu un coup de cœur pour la plume et je compte bien lire tous ses autres romans. 😊

      1. Ludivine

        J’espère que tu aimeras autant les autres alors. 🙂

  3. Tu parles très bien de ce roman. Je n’ai jamais lu l’auteur mais il semble posséder une plume et sensibilité qui pourraient me plaire.

    1. Caroline

      Franchement Audrey, tu devrais tenter de le découvrir. Je n’en ai lu que deux, mais je pense que tu retrouveras la même sensibilité dans tous ses romans.

    1. Caroline

      Merci Frédéric ! 😊 Son précédent c’était Paris-Briançon ? Parce que je l’ai lu juste après Un soir d’été et j’ai frôlé le coup de cœur. Cet auteur est vraiment très bon.

  4. Hedwige

    Merci pour ce superbe retour, Caroline, j’aime l’écriture de Philippe Besson.

    1. Caroline

      Merci Hedwige ! 😊 Je trouve qu’il y a beaucoup de subtilité dans l’écriture de cet auteur et en même temps une réelle simplicité, dans le sens élogieux du terme, qui fait qu’on se glisse facilement dans la tête des protagonistes. C’est vraiment une écriture qui convoque l’émotion.

  5. Tout comme toi, je découvrais la plume de l’auteur avec ce titre, et ça a été une réussite totale. 🤩

    1. Caroline

      Je te comprends ! J’ai quelques auteurs et autrices dont j’adore la plume et Philippe Besson en fait partie depuis ma découverte de ce roman et de son Paris-Briançon, pour lequel j’ai frôlé le coup de cœur. 😊

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