Traverser la nuit de Hervé Le Corre
Policier, Roman noir
Date de lecture : 9-10 avril 2024
Lecture audio → Roman lu par Ariane Brousse – Roman lu dans le cadre du Prix Audiolib 2024.
Après ma saisissante découverte d’Arpenter la nuit de Leila Mottley, j’ai poursuivi mon itinéraire du noir avec Traverser la nuit d’Hervé Le Corre.
Bordeaux, ses vieilles pierres, son miroir d’eau et ses musées. Ah non, ce n’est pas ce Bordeaux que choisit de nous dépeindre Hervé Le Corre, mais plutôt une ville marquée par le froid et la grisaille, la violence et la misère. Décor idéal pour plonger tête la première dans la noirceur du monde, et dans une enquête sordide où des femmes sont retrouvées sauvagement assassinées par un tueur insaisissable. Un roman à trois faces, celle de Jourdan, de Louise et de Christian.
« Il faudra identifier cet individu. Il faut savoir d’où il sort. De quelle putain de mère. Dans quel taudis il a grandi. »
J’ai beaucoup aimé le personnage de Jourdan, ce flic abîmé par la vie, perdu dans les profondeurs abyssales des ténèbres. Il est descendu si bas que la lumière lui semble trop lointaine, à peine une lueur, qu’il ne parvient pas à atteindre, malgré la main tendue de sa femme et de sa fille, qui tentent désespérément de l’aider à remonter la pente. Il m’a touchée, lui le flic au bout du rouleau, fatigué, usé par des scènes de crime devenues trop insupportables. Je l’ai aimé dès que je l’ai rencontré. J’ai fait corps avec sa colère, sa lassitude, son désespoir. Le genre de personnage que je ne peux pas oublier, tout comme je ne peux oublier Louise.
Louise, c’est cette jeune femme qui lutte pour garder la tête hors de l’eau, depuis ce jour où le malheur s’est abattu sur elle, la conduisant à se réfugier dans le pire pour oublier sa peine. Mais Louise a un atout, son fils, Sam, ce magicien incroyable, seul être au monde capable de lui redonner ce souffle de joie quand plus rien ne va. Pour lui, elle déplacerait des montagnes, avec toute la force dont sont capables les mères. Harcelée et violentée par son ex compagnon, elle vit dans la peur, toujours sur le qui-vive. Elle aussi m’a touchée, dans sa vulnérabilité comme dans sa force. Elle qui fait partie de ces invisibles, sans lesquels pourtant le monde irait bien plus mal.
Jourdan, Louise, deux personnages éprouvés, que le destin fera se rencontrer.
Et puis, il y a aussi Christian, l’ancien militaire. Un homme en apparence ordinaire, avec un emploi ordinaire, mais à l’existence faite de failles et de dysfonctions. À commencer par sa mère, femme hautement dérangée, violente et malaisante.
« Immobiles et sombres sous l’éclairage bleuté que la pluie pulvérise sur eux, soufflant de petits nuages de condensation vite dispersés par le vent traînard qui rôde le long des voies du tramway, ils attendent là, une dizaine, transis, emmitouflés, et se tiennent à l’écart de l’homme inanimé gisant sous un banc. Ils affectent de regarder ailleurs, loin, pour apercevoir l’approche d’une rame, ou bien scrutent l’écran de leur téléphone qui leur fait un visage blafard et creux. On est au mois de mars et depuis des jours le crachin fait tout reluire d’éclats malsains, de lueurs embourbées. »
L’ambiance imaginée par l’auteur nous immisce dans le décor d’un Bordeaux un peu sordide, sous l’emprise d’une pluie glaciale qui brouille le regard, qui s’infiltre sous les vêtements comme dans les âmes. Une ambiance qui m’a un peu rappelé Le carré des indigents d’Hugues Pagan, dont la couverture aurait également pu convenir au Traverser la nuit d’Hervé Le Corre.
Un polar noir qui raconte aussi la violence et le déclin d’une société malade qui n’hésite pas à laisser de côté les plus faibles, ceux qui ne rentrent pas ou plus dans le cadre. Il n’y a là aucun espoir, ce qui a été pour moi un coup au cœur, d’une vérité si abrupte qu’elle m’a laissé à terre.
C’était ma première rencontre avec l’auteur et j’ai été séduite par sa plume, par l’humanité qui se dégage de son histoire et de ses personnages. Un roman que je n’ai pas pu lâcher, que j’ai adoré, bien que d’une noirceur insondable et d’une réalité crue.
Mon avis sur la version audio :
Dans sa version Audiolib, Traverser la nuit est porté par la comédienne Ariane Brousse. Un choix qui m’a déstabilisée au départ, la narratrice ayant un timbre de voix très cristallin qui contraste avec la noirceur de cette histoire. Puis, une fois la surprise passée, la magie a opéré, d’autant que cette dernière incarne parfaitement Louise, et je dirais même qu’elle m’a aidée à trouver la lumière. Malgré tout, j’aurais apprécié un duo pour ce roman, j’aurais aimé une voix profonde pour interpréter Jourdan, ce personnage de flic fatigué pour lequel je me suis prise d’affection. Pour autant, c’est une écoute que j’ai vraiment beaucoup aimée, conclue par une dernière phrase prononcée avec ce qu’il fallait d’émotion et de volonté.
Voici quelques avis des jurées du Prix Audiolib pour Traverser la nuit : Angélique, Anne, Mylène, Claudia.
Et comme les mots peuvent sembler parfois bien fades, rien de mieux qu’écouter un extrait pour se faire un avis.
Infos & Quatrième de couverture
Traverser la nuit de Hervé Le Corre
Éditeur : Audiolib – Parution : 20/09/2023 – 9h18min – ISBN: 9791035413750 – Lu par Ariane Brousse.
📕En grand format chez Rivages, 2021
📗En poche chez Rivages, 2022
Louise élève seule son fils Sam, ce « petit magicien » capable d’enchanter une vie qu’elle a reconstruite à grand-peine après un deuil terrible et des années de dérive. Harcelée et brutalisée par son ancien compagnon, elle va croiser la route du commandant de police Jourdan, un homme sombre, désemparé et révolté par l’état du monde. Jourdan enquête avec son groupe sur des meurtres de femmes particulièrement sauvages. Qui est ce tueur imprévisible qui sévit dans les rues de Bordeaux, mû par une rage destructrice ?
Trois destins irrémédiablement liés. Ainsi chacun traverse sa nuit…
Recommandations de lecture
Si ce genre de livre vous plaît, j’ai bien envie de vous recommander la lecture du Carré des indigents d’Hugues Pagan, un polar noir et profond, qui m’a totalement séduite. Lire ma chronique.
En savoir plus sur Le murmure des âmes livres
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Un auteur qui nous happe à chacun de ses livres.
C’était mon premier livre de cet auteur Ge, mais du coup, je compte bien découvrir ses autres romans !
Là je te comprends Caro ! ;-P 🤩
Ta présentation des personnages, surtout de Jourdan et Louise, donne particulièrement envie de plonger dans ce roman noir pour faire leur rencontre. Ce serait aussi l’occasion de découvrir l’auteur… Merci pour la découverte.
Si tu aimes les romans très noirs et les romans policiers, franchement, je te conseille cette lecture ! J’ai frôlé le coup de cœur.
Il faut lire Le Corre, oui 😉. Quelle plume !
Je suis bien d’accord et du coup, j’ai envie de découvrir toute sa bibliographie !
Ton avis donne un aperçu très humain des personnages qui automatiquement me porte vers ce roman noir.
Il faut vraiment aimer les romans très noirs mais c’est vrai que l’auteur est fort pour nous présenter des personnages très humains, dans le sens où ils sont imparfaits et complexes.
Une couverture qui nous plonge parfaitement dans l’univers d’Hervé Le Corre que tu nous décrits si bien. Je ne l’ai encore jamais lu mais j’en ai entendu parlé en bien. Tu confirmes les bons échos entendus. Merci Caroline pour ce beau retour 🙂
Si tu aimes les romans noirs, je te le conseille, il est marquant et l’écriture de Hervé Le Corre est superbe je trouve.
Et bien, la couverture représente parfaitement le froid, la grisaille et la violence je trouve ! Je connaissais pas du tout ce roman Caroline, mais t’a rencontre avec ces trois personnages t’a marqué apparemment. Ça donne envie de les découvrir. Je le note, merci beaucoup 🙂
Oui, je l’ai adoré ! Bon, après ça j’ai lu des livres moins sombres. 😁 Tiens, d’ailleurs j’ai pensé à toi, j’ai terminé le tome 2 de D.D. Warren, La maison d’à côté. J’ai beaucoup aimé.
En voilà une nouvelle qui me ravie, je suis contente d’apprendre que tu as aimé cette deuxième enquête. Ce roman est souvent cité comme l’un de ses incontournables, mais je dois avouer que j’ai clairement préféré le suivant et je suis presque certaine que tu l’aimeras aussi. 😉
J’avais beaucoup aimé les polars de Le Corre sur la période de la commune, très pluvieux aussi mais passionnants. Pas d’arrière plan historique ici, mais cet intérêt pour les invisibles qui m’avait marquée également.
Je compte justement poursuivre ma découverte avec d’autres de ces livres. Ce qui est bien, c’est qu’il ne semble pas cantonné à un genre précis, un peu comme Loevenbruck, ce qui est génial car je suis une lectrice éclectique. 😊
Je ne connais pas Loevenbruck, étant moi même plutôt éclectique je vais fouiller dans tes archives pour m’en faire une idée.
C’est un auteur que j’adore mais dont je n’ai lu que trois livres, tous très différents d’ailleurs.
Que j’avais aimé ce roman et comme tu en parles très bien Caroline !
Je crois que Hervé Le Corre que je ne connais pas est une de mes références préférées du polar français…
Merci Ge ! Je te comprends, depuis que je l’ai découvert, il fait aussi partie de mes auteurs préférés, ceux qui me marquent le plus par leur plume, comme Mauvignier, Bouysse, Besson et maintenant Le Corre. 😊
Cette phrase que tu as écrite « ces invisibles, sans lesquels pourtant le monde irait bien plus mal » me touche et me me révèle la profondeur de ton attention aux autres. Si ce livre atteint un tel degré de bonté, je le lirai, ou l’écouterai volontiers.
Entre « Le carré des indigents » et celui-ci, lequel me conseille-tu ?
Merci pour ton commentaire Hedwige, il me touche beaucoup. 😊 J’ai adoré les deux, néanmoins le Hervé Le Corre est plus sombre je trouve, dans le sens où je ne le trouve pas très optimiste. C’est vraiment noir, malgré quelques touches lumineuses. Cependant, il y a une certaine poésie dans l’écriture qui rend l’histoire encore plus poignante. Je te conseillerais peut-être celui-ci en premier.
C’est amusant car, grâce à ton commentaire, je suis allée relire ma chronique du Carré des indigents et j’ai grosso modo fait la même conclusion, avec les mêmes mots. Comme quoi, je n’ai pas fait ce rapprochement pour rien. 😁
Le carré des indigents est un roman policier plutôt original, qui met aussi l’accent sur ces « indigents », ces oubliés de la société. Il y a beaucoup d’humanité dans ce récit. Il a une ambiance à l’ancienne, un peu comme ces films de détectives privés qui avaient une voix off, tu vois.
Franchement, deux très bons polars noirs, même si je comprends qu’ils ne fassent pas toujours l’unanimité.
Je suis tombée amoureuse de sa plume j’attends ce livre avec impatience suite à ton retour
Pareil pour moi, du coup je pense lire son dernier ! 😁En tout cas, celui-ci c’est « noir c’est noir ».
Très intéressant effectivement d’avoir choisi Ariane Brousse pour la lecture et je suis assez curieuse de voir ce que cela donne. Je n’ai pas encore lu ce roman mais ta chronique me donne très envie. Le Corre c’est vraiment très immersif !
C’est la première fois que je l’entendais (tu sais que je n’ai toujours pas écouté le 1er tome des sept sœurs 😁) et c’est vrai que les premières lignes sont très sombres, alors sa voix m’a surprise. Mais une fois qu’entre en scène Louise, c’est un peu comme une révélation, j’ai trouvé que ça lui allait comme un gant. Mais pour Jourdan, j’imaginais bien la voix de Thierry Blanc par exemple. En tout cas, c’est vraiment un excellent roman. J’ai adoré le côté roman noir, en plus du côté policier.
L’essayer c’est l’adopter. En terme de roman noir, il place la barre très haute.