Seules les bêtes de Colin Niel
Thriller, Roman noir
Date de lecture : 28 juil. 2024
Avec Seules les bêtes, Colin Niel nous emmène au coeur du Massif central, dans une petite ville tout juste marquée par la disparition d’une randonneuse, là-haut, sur le plateau. Une disparition qui occupe davantage l’esprit de ceux d’en bas, parce que ceux d’en haut, sur le causse, ont bien d’autres choses à penser, comme Joseph, avec ses brebis à soigner, ses factures à payer et sa solitude à préserver.
J’ai commencé ce roman avec un grand sentiment d’exaltation, ravie de ce que je lisais, ou pensais lire, un roman rural tirant vers le noir, avec une petite intrigue en arrière-plan. Mais c’était sans compter sur l’immense talent de Colin Niel, capable de surfer sur les vagues de l’imagination, pour nous offrir un roman bien plus dense et plus complexe, qui a su me surprendre à bien des égards. Un roman choral où plusieurs personnages nous livrent leur point de vue, intervenant à point nommé pour faire évoluer l’histoire.
« Cinq assistantes sociales pour quatre mille paysans, sillonnant les fermes du territoire pour rencontrer ceux que plus grand monde ne va voir, pour leur expliquer que Non, ils ne sont pas tout seuls, qu’ils ont des droits, qu’il existe des aides pour embaucher une femme de ménage ou laisser son troupeau à quelqu’un au moins une semaine en août. »
J’ai adoré la première partie, celle racontée par Alice et Joseph. Alice, c’est une assistante sociale qui vient en aide aux paysans, de multiples façons. En la suivant, on découvre les coulisses d’un monde difficile, celui des éleveurs. Elle sait d’autant plus de quoi elle parle que son père autrefois et son mari aujourd’hui, ont choisi ce métier. Mais, le choisit-on vraiment ? J’ai été très touchée par le travail d’Alice, sa considération envers tous ces gens, l’écoute attentive qu’elle leur porte. Alors que, pendant ce temps-là, rien ne va plus de son côté. Sa vie, de couple particulièrement, se faufile et se délite au rythme des heures de travail infinies de son mari, les bêtes qui passent avant tout, et les échanges qui se font de plus en plus rares, jusqu’à se tarir. Alors, on n’est pas tout à fait étonné quand elle finit par tomber amoureuse de Joseph, cet éleveur taiseux, solitaire et un peu bourru, là-haut, sur le plateau.
J’ai beaucoup aimé le décalage entre le point de vue d’Alice et celui de Joseph. Les pensées qui accaparent l’une, tellement différentes de ce qui occupe l’esprit de l’autre. Joseph est un personnage qui m’a énormément plu. Les rapports humains ne sont pas vraiment son point fort, lui qui pourtant est doué d’une belle sensibilité. J’ai été émue par ses décisions, pas toujours judicieuses mais tellement humaines.
Quand l’auteur nous amène un troisième point de vue, je me demande où il veut en venir. On sort alors de ce registre un peu rural, pour basculer dans un récit différent et on comprend qu’il y a, dans cette intrigue, bien d’autres enjeux. On quitte cette ambiance un peu contemplative, accentuée par la rudesse de l’hiver dans ces basses montagnes, pour un rythme plus vif, celui de notre nouvelle narratrice. Le fil rouge se dessine, lentement mais sûrement, et j’ai adoré.
Mais, quand on commence à croire qu’on a tout compris, que ça y est, on tient le bout de la pelote de laine, prêt à tout démêler, l’auteur nous propulse dans une autre sphère, bannissant toutes nos certitudes, nous désarçonnant une bonne fois pour toutes. Et la couverture prend enfin tout son sens.
J’aime tellement la plume de Colin Niel ! C’est un vrai caméléon, capable de nous immerger pleinement dans le récit grâce au style propre à chaque point de vue.
Avec Seules les bêtes, Colin Niel nous livre une intrigue finement menée, particulièrement originale et surprenante. Une histoire en cinq actes qui m’a profondément émue. Tous ces fragments de vie mêlés, et puis cette misère et cette solitude qui déchirent le coeur. Je ne sais pas comment qualifier ce roman, ce qui est sûr, c’est qu’il est plein d’humanité. Il y avait Franck Bouysse et Serge Joncour, maintenant, il y a définitivement Colin Niel dans mon palmarès d’auteurs à suivre.
Infos & Quatrième de couverture
Seules les bêtes de Colin Niel
Éditeur : Rouergue – Parution : 04/01/2017 – 224 pages – ISBN: 9782812612022
📗En poche chez Le Livre de Poche, 2023
🎧En audio chez Thélème, 2018
Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent pourtant liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la parole et chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre vie. Et si le chemin qui mène à la vérité manque autant d’oxygène que les hauteurs du ciel qui ici écrase les vivants, c’est que cette histoire a commencé loin, bien loin de cette montagne sauvage où l’on est séparé de tout, sur un autre continent où les désirs d’ici battent la chamade.
En savoir plus sur Le murmure des âmes livres
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
J’adore cet auteur.
Je ne souviens encore de ma première rencontre avec lui lors de la sortie de son tout premier roman…
Merci Caroline pour cet excellent choix de lecture que tu nous propose
Avec plaisir ! C’est une excellente lecture !😁
Ça a dû être très touchant de suivre cette femme dans son travail, de la voir accompagner les agriculteurs et agricultrices. C’est un métier très difficile, qui demande un investissement personnel énorme, et financier aussi. Je n’ai jamais lu l’auteur mais ce livre a l’air vraiment riche. Merci beaucoup Caroline pour cette chronique 🙂
Je pense que tu pourrais aimer Ludivine, toi qui aimes bien les thrillers. Il a un bel équilibre entre roman noir et thriller (c’est plus du thriller quand même), et en même temps, je trouve que les deux romans que j’ai lus sont très humains.
Que l’auteur propose un mélange entre thriller et roman noir me convient très bien, merci du conseil ! 😊
L’auteur semble arriver à surprendre ce qui est toujours quelque chose que j’apprécie. Quant à la partie décrivant le monde rural et sa rudesse, elle a l’air très forte.
Oui, je le trouve sacrément doué Colin Niel. Il arrive à se balader dans plus registres dans le même livre !
Il faut vraiment que je découvre sa plume !
Merci pour cette belle chronique qui me fait repenser que je me l’étais noté il y a longtemps maintenant !
Je suis comme toi Lilou, je me note des livres et ils se retrouvent ensevelis parmi mon immense liste d’envies ! 😁 Mais celui-ci est vraiment sympa, une de ces lectures dont tu te souviens longtemps.
Il est aussi dans ma pal, j’avais beaucoup aimé Entre fauves, je suis sûre que celui-ci me plaira aussi. Bonne semaine
Il y a des chances qu’il te plaise. Tu retrouves le même principe, avec ces différents points de vue. Mais celui-ci, je l’ai trouvé vraiment original car tu ne comprends que tard où l’histoire mène.
Un roman splendide qui m’a énormément touchée. Merci Caroline, tu me fais penser que je devrais en lire d’autres de lui.
Chaque fois que je me plonge dans un de ses livres, je suis embarquée. Le sujet, l’écriture, tout est toujours top je trouve.
Coucou toi, tu en parles très bien et tu m’as convaincue de le découvrir prochainement ! Belle et douce semaine à toi !
Merci Julie ! Il est extraordinaire Colin Niel ! Maintenant, j’aimerais découvrir Darwyne et Wallace, ses deux derniers romans.