Panorama de Lilia Hassaine
Policier, Dystopie
Date de lecture : 31 oct-1er nov. 2023
Panorama nous plonge en 2049, dans un roman policier dystopique où la France fonctionne sous un système démocratique d’un tout nouveau genre. En effet, depuis la Revenge Week de 2029, le pays a adopté une politique de totale Transparence, selon un « pacte citoyen fondé sur la bienveillance partagée et la responsabilité individuelle ». Dans cette nouvelle société, nous pouvons tout voir et tout savoir sur tout le monde. Enfin presque, car certains ont fait le choix de vivre dans des « zones de non-droit en marge des villes ». C’est pourtant dans un quartier huppé tout en verre qu’une famille entière s’est volatilisée sans que personne n’ait rien vu ou entendu.
Ce que j’ai aimé en premier lieu dans ce roman, c’est la présentation de ce futur proche. Une France qui a répondu à l’extrême de l’injustice par un autre extrême, tout aussi déstabilisant, malaisant et hypocrite. Imaginez un monde où vous n’avez plus aucune vie privée, où tous les détails de votre existence sont accessibles sur le site transparence.fr. Un monde entièrement vitré dans lequel vous exposez votre intimité aux yeux de vos voisins, pour le bien de tous. Et ne croyez pas que les bâtiments publics sont épargnés, non, tout est transparent, même les églises. Un système censé prévenir les mauvais comportements, les violences, les déviances, la corruption ou encore les dérapages intra-familiaux. Un système tellement au point que même les « gardiens de protection » s’ennuient, n’ayant plus rien à verbaliser, plus aucune affaire à résoudre.
Imaginez un monde où vous êtes juré et juge, où vous avez le pouvoir de décider de l’avenir d’une personne. Dans ce monde-là, croyez-moi, mieux vaut avoir signé la charte de la Transparence. Sans quoi vous serez immédiatement soupçonné du moindre petit délit et jugé coupable, avec pour conséquence une sentence démesurée, pour l’exemple.
« Chez eux, la Transparence est une religion. Les voisins sont vigilants et les baies vitrées gigantesques. Personne ne possède de voiture ; un tramway, transparent forcément, circule nuit et jour à Paxton, et il est toujours bondé. À l’entrée de ce district, des gardiens privés contrôlent les allées et venues des habitants et enregistrent l’identité de leurs invités. Même les plantes poussent bien droit, aidées par des tuteurs en bois. C’est le quartier des orchidées et des fleurs sans épines. Là-bas, tout n’est que luxe, calme et sécurité. »
Pourtant, ce monde parfait n’a pas empêché la disparition d’une famille entière à Paxton, un quartier transparent des plus huppés. Mais il faut dire que le mari était bizarre, toujours à défendre les mauvaises causes lors des procès. D’ailleurs, on chuchote que son père habiterait le quartier des Grillons. Un de ces quartiers dans lesquels vivent les personnes qui ont refusé de signer la charte de la Transparence et de vivre sous surveillance. Un quartier des plus mal vus, cela va sans dire.
« Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons cachés. »
Nous allons suivre l’histoire sous le regard placide et monotone d’Hélène, la policière en charge de l’enquête. L’autrice nous la présente en détail dès le début du roman, car elle sera notre référente concernant cette société et son mode de vie, et notre lien principal avec l’intrigue. Une protagoniste que j’ai trouvé froide et peu attachante, mais qui suis-je pour la juger ? À sa place, dans ce monde, toute forme de plaisir et de vie m’aurait probablement quittée aussi. Cela dit Hélène est à l’image de cette nouvelle société, où la plupart des humains semblent souffrir d’une sorte d’anesthésie sentimentale et d’un manque total d’empathie. « J’aime me dire que je serai mélancolique, peut-être même un peu triste dans les jours à venir. Ce n’est pas si triste, la tristesse. »
Au fil du récit, on découvre peu à peu tous les travers et le cynisme qui rongent cette société. Car, malgré la transparence, certains ont des secrets qu’ils tiennent à garder bien cachés, quoi qu’il en coûte.
J’ai bien aimé ce roman, tant en ce qui concerne l’aspect dystopique que l’intrigue policière. Malgré sa brièveté (240 pages c’est vraiment peu), j’ai tout de même été touchée par ce récit et suffisamment marquée pour avoir envie d’en parler en détail.
Infos et Quatrième de couverture
Éditeur : Gallimard – Parution : 17/08/2023 – 240 pages – ISBN: 9782073035059 – Genre : Policier, Dystopie.
Également disponible :
🎧En audio, chez Gallimard, 2023
« C’était il y a tout juste un an. Une famille a disparu, là où personne ne disparaissait jamais. On m’a chargée de l’enquête, et ce que j’ai découvert au fil des semaines a ébranlé toutes mes certitudes. Il ne s’agissait pas d’un simple fait-divers, mais d’un drame attendu, d’un mal qui irradiait tout un quartier, toute une ville, tout un pays, l’expression soudaine d’une violence qu’on croyait endormie. »
Hélène, ex-commissaire de police, reprend du service pour retrouver un couple et leur petit garçon, Milo. Elle rencontre les dernières personnes à avoir été en contact avec eux. Depuis que la France a basculé dans l’ère de la Transparence, ces hommes et ces femmes vivent dans un monde harmonieux, libéré du mal, où chacun évolue sous le regard protecteur de ses voisins. Mais au cours de son enquête, Hélène va dévoiler une vérité aussi surprenante que terrifiante. À travers cette contre-utopie, c’est le monde d’aujourd’hui que l’auteur interroge. Ce roman haletant montre des êtres en proie à leurs pulsions et à leurs fêlures derrière leur apparente perfection.
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Cela fait quelque temps que j’ai envie de tenter un livre de Lilia Hassaine. Celui-ci m’intrigue désormais beaucoup, alors que les dystopies ont tendance à moins m’interpeller ces dernières années.
Celui-ci a l’avantage de bénéficier d’une intrigue policière, en plus de l’aspect dystopique. En tout cas, il m’a beaucoup plu. 😊
J’ai lu L’oeil du paon de cette auteure la semaine dernière, son premier roman. Je n’ai pas été emballée par l’histoire mais j’ai beaucoup aimé son écriture et je pensais découvrir un autre de ces livres et c’est justement celui-ci que j’avais repéré.🙂 Ta chronique tombe à point nommé du coup 😉 Je trouve ça effrayant comme idée du futur, ou chaque geste et chaque événement sont rendus publics ! Je suis contente de lire que tu as apprécié cette histoire et l’enquête mais le fait que les personnages soient « anesthésiés » (ce qui, comme tu le dis, se comprend parfaitement) n’a pas rendu le récit un peu plat ou monotone ?
Au tout début, quand on commence avec Hélène, je me suis demandé si j’allais apprécier ma lecture et après, tout s’est enchaîné et je me suis laissé porter avec plaisir. D’ailleurs, ça se lit vite et bien. Mais j’ai vu sur Babelio que ce roman a des chroniques plus mitigées qui sont très bien argumentées. Peut être que ça t’intéressait de les lire.
Merci pour ces précisions Caroline ! Je vais te faire confiance et faire confiance à mon instinct. Je l’avais déjà noté pour un prochain emprunt à la bibliothèque et je suis vraiment tentée à l’idée d’en découvrir un autre de l’auteure, donc je vais rester sur mon idée, d’autant que ta chronique est encourageante ! 🙂
Le thème m’intéresse bien. Er sa brièveté me fait penser que j’ai une chance de le lire dans pas longtemps. Il faut que je vois à la médiathèque s’ils l’ont acquis. Merci pour cette piste.
C’est vrai qu’il est court, mais finalement, j’ai l’impression d’avoir lu un ouvrage plus conséquent, car il intègre pas mal de thématiques, sans oublier la partie policière, que j’ai trouvé intéressante et même poignante.
Noté ! Cette idée d’une société sans vie privée me terrifie…
Je me suis dis la même chose lors de ma lecture ! Mais ce qui est « amusant » dans le livre, c’est que les jeunes de cette génération, qui n’ont toujours connu que ça, semblent très à l’aise avec ce procédé, et en jouer même. Je pense notamment à la fille d’Hélène.
C’est impressionnant comme idée, la transparence absolue comme surveillance absolue, une sorte de prison à ciel ouvert où puisque plus rien n’est permis, la sournoiserie et le désir d’infraction sont plus fort que jamais. A moins de s’éteindre comme la policière, ce qui signifie perdre toute empathie, mais n’avoir plus d’empathie accroît le risque de développer des personnalités psychopathes.
Comme quoi toutes les utopies deviennent les pires enfers.
Je suis tellement d’accord avec ce que tu écris ! C’est un sujet qui mériterait bien un livre de sf à lui tout seul, un bon gros pavé sf même ! 😁 Sinon, j’ai aussi bien aimé l’intrigue de ce récit, les personnages qui vivent aux Grillons et le dénouement. Une bonne lecture, dont je me souviendrais.