Chroniques en quelques lignes
Époque de Laura Poggioli
Contemporain
Date de lecture : 31 juil. 2025
« Les réseaux prétendent offrir une fenêtre sur le monde alors qu’ils ne font que souder les barreaux d’une prison. »
Lara, la narratrice, intègre pour quelque temps l’équipe d’un service d’addictologie spécialisé dans les problèmes d’addiction aux écrans. Elle y rencontre plusieurs jeunes patient·es, découvre leur histoire et les conséquences de cette addiction sur leur personnalité, leur vie. Des consultations qui vont la replonger dans les souvenirs de ses propres démons, ses propres addictions, différentes, mais tout aussi dévastatrices.
Rares sont les romans qui m’ont autant fichu le moral dans les chaussettes que celui-ci. Le sujet est très intéressant, et l’analyse faite par l’autrice très angoissante. Je ne suis pas naïve, et je concevais déjà les conséquences des écrans, des réseaux sociaux, etc. d’un point de vue de la santé, physique et psychologique. Mais, à cela s’ajoute en plus le récit du vécu de la protagoniste, victime d’un manipulateur, qui a achevé de me miner le moral.
« Les suicides de plusieurs adolescents victimes de harcèlement scolaire ont mis en lumière l’effet amplificateur des réseaux sociaux à l’âge décisif de la construction sociale de l’identité. »
Certains passages m’ont marquée, et j’ai d’ailleurs éprouvé le besoin de parler de ma lecture avec quelques oreilles attentives, histoire de décompresser un peu. Ces derniers temps, j’ai l’impression que les valeurs humaines disparaissent, que les notions de bien et de mal sont en train de s’inverser dangereusement.
« Nous vivons dans un monde où tout est prétexte à s’offusquer, se plaindre, se déchirer, et nous consommons ces crispations multiples comme nous consommons tout le reste. »
Je ne suis pas très optimiste quant à la nature humaine, et ce livre a fait ressortir mes pires angoisses. D’autant plus que l’autrice joue avec les frontières de la fiction. Tout est tellement réaliste qu’on a l’impression de lire un essai. Les personnes qui sont reçues dans ce centre d’addictologie, les interventions dans les classes auprès d’adolescent·es, jusqu’au prénom de la narratrice, Lara, qui fait écho à celui de l’autrice, Laura. Cet hyperréalisme a provoqué chez moi un sentiment de malaise. Je me suis sentie comme aspirée par le noir, et pourtant, étrangement, je n’ai pas pu lâcher ce roman.
Époque est une lecture qui a quelque chose d’incroyablement réaliste et attractif. Addictif, oserais-je dire… Pour un livre qui évoque l’addiction, voilà qui tombe à point nommé.

Infos & Quatrième de couverture

Époque de Laura Poggioli
Éditeur : L’Iconoclaste – Parution : 23/01/2025 – 253 pages – ISBN: 9782378804695.
Également disponible : 🎧 En audio chez Lizzie, 2025.
Dans un service d’addictologie, Lara accompagne l’équipe qui soigne des adolescents drogués aux écrans. Il y a Julien, un collégien déscolarisé depuis trois ans, Lou, neuf ans, qui passe ses nuits sur son portable, ou Stefania, tétanisée à l’idée de sortir de chez elle.
Les failles de ces enfants sont pour Lara le miroir de ses propres addictions. Celles dont elle peut parler en riant, celles qui lui pèsent et qu’elle essaie régulièrement d’abandonner, celles plus honteuses qu’elle tait. Au fil des consultations, ses souvenirs refont surface.
Cinq ans plus tôt, Lara a eu une liaison avec son médecin. Pendant quelques semaines, elle s’est laissé prendre au piège, dans une frénésie de messages et de photos intimes. Jusqu’à perdre le contrôle.
Époque est un roman féroce et viscéral, celui d’une génération dévastée par les écrans.
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Une lecture qui a l’air particulièrement marquante. De l’autrice, j’avais déjà repéré son précédent roman, Trois sœurs, qui traîne dans ma wish list depuis un bout de temps.
Ah oui, j’ai aussi Trois soeurs dans ma WL, mais tu vois, je ne l’ai toujours pas lu.
J’ai particulièrement détesté ce roman, que j’ai abandonné au bout de quelques chapitres. Comme tu peux le dire, ce livre donne le cafard, et franchement en ce moment j’ai besoin d’autres choses. Je l’ai déposé dans une boite à livres sans regret.
Je te comprends ! Je ne regrette pas de l’avoir lu, mais je me suis sentie légèrement déprimée après. 😅
Intéressant… et déprimant !!! Je ne pense pas le lire car ce que j’en vois déjà de ces écrans me laissent avec un goût très amer sur notre société et surtout les générations à venir. Je ne sais pas ce que ça va devenir, ou plutôt j’ai peur de le deviner. Mais tu as eu raison de nous en parler, c’est un sujet très sérieux pour l’humanité. Je voyais les commentaires plus haut, si rassure-toi, il y a encore des personnes, beaucoup j’espère, qui pensent comme toi, comme nous !!! Hauts les cœurs ! 🙂
Merci Lilou pour ton commentaire qui me fait chaud au coeur. ☺️ Tu as raison, j’ai voulu en parler parce que la nature du sujet est intéressante, mais surtout, je crois que ce livre tournait en boucle dans ma tête depuis plus d’un mois et il fallait que j’exorcise un peu ma lecture. Car j’avoue, il m’a travaillée.
Je vais sans doute faire l’autruche même si j’ai totalement conscience de l’effet dévastateur de ces écrans. J’ai lu récemment une expression « le cancer des écrans » qui me semble très judicieuse car il s’agit bien plus qu’une addiction, c’est un bouleversement total de l’humain : je le vois avec mon ado et la modification des rapports sociaux.
Oui, c’est ça, un bouleversement total, qui a apporté avec lui des maux psychologiques et physiques. Le livre de Laura Poggioli se concentre essentiellement sur la jeunesse, mais je pense que d’autres générations sont concernées. Il n’y a qu’à regarder dans les gens dans la rue, dans les transports, etc. Tout le monde a la tête penchée sur un écran. Moi la première avec ma liseuse.
Merci Caroline pour cette chronique. Comme je te le disais, le côté anxiogène de ce livre me fait déjà flipper sans en avoir lu une ligne. Ce n’est pas pour moi en ce moment ! Merci pour ce partage intéressant
Je te comprends totalement Céline, et encore, je l’ai à un moment où j’avais le moral. 😁 C’est vrai que j’avais envie d’en parler, parce que, même si ma lecture n’a pas été particulièrement plaisante, je me rends compte que ce roman m’a beaucoup marquée. Il fallait sans doute que j’exorcise mes sentiments par écrit pour passer à autre chose.
C’est bien de pouvoir mettre par écrit son ressenti après ce genre de lecture marquante, que l’on ait apprécié ou pas, d’ailleurs.
La citation que tu as choisie au début de ta note est assez éclairante sur le constat amer et rude que semble faire ce livre. Je le lirai sans doute, mais en poche.
Amer, c’est bien le mot. Il devrait sortir en début d’année prochaine, j’imagine.
Je me sens trop fragile en ce moment pour le lire mais je le note.
» j’ai l’impression que les valeurs humaines disparaissent, que les notions de bien et de mal sont en train de s’inverser dangereusement. »
Tes mots font tellement écho en moi tout comme ton angoisse. Cette impression, je la vois aussi bien dans les transports en commun que je prends chaque jour (c’est pour moi un lieu qui cristallise beaucoup de tension et d’une violence qu’on sent prête à exploser), au collège, dans la rue… Et ça m’angoisse de plus en plus.
Je ne prends plus les transports en commun depuis treize ans que j’habite à la campagne, mais je peux te dire que je prends la voiture pour aller bosser en ville et que le comportement sur la route reflète à 100% la perdition de l’humanité. Au vu de ce que tu me dis en commentaire, je ne te conseillerais pas ce livre Audrey, car il ne t’apportera pas de plaisir de lecture, ni de « réponses » aux problèmes soulevés par l’autrice. C’est juste un sombre constat.
Je le note. C’est vrai que quand on pense aux addictions on ne songe pas tout de suite aux écrans, même si on est tous dépendants. Tu as raison de ne pas être optimiste sur la nature humaine, qui est fondamentalement mauvaise. Bonne journée
Oui, on est tous dépendants, et certes cela concerne beaucoup les nouvelles générations, mais pas que. Il faut être honnête là-dessus, et affronter nos propres travers, les adultes aussi sont concernés.
Voilà un sujet qui mérite lecture, même s’il es pénible et en quelques sortes désespérant.
Tu as entièrement raison, Caroline, le siècle dans lequel nous sommes pratique l’inversion des valeurs et l’utilisation dévoyée du langage. C’est monstrueux et c’est bien pourquoi il est important de préserver nos valeurs et d’avoir le courage d’aller à contre-courant là où nous sommes.
Par bonheur nous sommes nombreux à penser comme toi.
Ça me fait plaisir de lire ton commentaire Hedwige. Parce que dans la vie de tous les jours, je rencontre peu de personnes qui pensent comme nous.
J’ai noté ce livre suite à un commentaire que tu as laissé récemment sur mon site, à lire ta chronique je pense qu’il devrait me plaire, je suis preneuse de livres hyperréalistes sur ce genre de sujet sociétal justement… Merci pour ton retour Caroline !
J’espère qu’il t’intéressera. Avec le recul, je me dis que ce qui m’a peut-être gênée, c’est justement le côté réaliste de l’histoire, mais sans apporter quelques propositions de « solutions ». C’est juste un constat, qui fiche le cafard. Alors que, pour ma part, je n’arrêtais pas de me dire : « Ok, mais qu’est-ce qu’on fait contre ça alors ? ». Enfin, j’ai hâte d’en discuter avec toi quand tu l’aura lu.