Chronique - Le siffleur de nuit de Greg Woodland

Chronique – Le siffleur de nuit de Greg Woodland

Le siffleur de nuit de Greg Woodland

Policier

J’aime beaucoup les romans australiens, et particulièrement les romans à suspense australiens. Si l’intrigue se situe dans le bush, c’est encore mieux. Je garde par exemple, un excellent souvenir de Canicule de Jane Harper. Ce premier livre de Greg Woodland, quant à lui, m’a immédiatement tapé dans l’oeil lorsque je l’ai entraperçu dans la sélection des sorties d’avril de Katia, du blog Encore un livre. Couverture, synopsis, tout chez Le siffleur de nuit laissait présager un agréable moment de lecture.

Nous sommes en Australie, dans les années soixante. La famille Humphries vient tout juste d’emménager à Moorabool, petite ville de « 3 560 habitants », suite à la promotion du père. Alors que les deux frères, Hal l’aîné et Evan le cadet, partent explorer les environs, ils tombent sur le cadavre d’un jeune chien dans un tonneau. Bouleversés par leur macabre découverte, ils vont l’enterrer sommairement avant de quitter les lieux. Pas très encourageant comme entrée en matière pour apprécier un nouvel environnement. Pourtant, ils sont loin d’imaginer que ce fait déplaisant ne sera que le premier d’une longue liste. Personnages étranges, caravane hantée ou encore animaux mutilés, cette « ville de bouseux sans intérêt » va s’avérer beaucoup moins innocente qu’il n’y paraît. Et que penser du siffleur de nuit, cet interlocuteur inquiétant, qui appelle le soir chez les Humphries, sifflant dans le combiné un air d’Elvis Presley, Are You Lonesome Tonight ?

« Quelqu’un, un homme, respirait profondément. Puis il se mit à siffler. Une chanson d’Elvis, « Are You Lonesome Tonight ». »

Il y a deux narrateurs dans cette histoire, Hal Humphries, douze ans, et Mick Goodenough, officier de police en période probatoire. Tous deux ne sont arrivés que très récemment à Moorabool, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’en sont pas vraiment ravis. Jeune garçon dynamique, Hal a tendance à laisser traîner ses yeux et ses oreilles partout. Une aubaine pour nous lecteurs, qui pouvons ainsi observer les comportements, assister à des échanges qui auraient dû rester secrets, ou encore, bénéficier d’un regard plus franc sur toute cette communauté. Il faut dire que le jeune adolescent est un fervent admirateur de Sherlock Holmes, et un fin observateur. Sa rencontre avec Allie, en vérité « Mademoiselle Alison Tenpenny », une aborigène du même âge, amène une touche d’aventure et permet d’aborder le passé de Moorabool, ses légendes et ses fantômes. Comme cette étrange caravane, non loin du ruisseau, endroit plutôt morbide qui n’a pas encore révélé tous ses mystères.

« La caravane était recouverte d’une peinture jaune et brune qui s’écaillait et, au-dessus de la porte, un panneau défraîchi indiquait Highway Palace. Le palace était en ruine, ses fenêtres ovales fêlées ou cassées, luisantes comme des dents ébréchées, laissaient apparaître derrière elles des lambeaux de rideaux en dentelle. Rien de grandiose ni d’imposant dans ce lieu, autrefois pas plus qu’aujourd’hui sans doute. Pourtant, derrière les rideaux, un mystère semblait se tapir dans la poussière. »

Dans cette ville nonchalante, Mick Goodenough tente de faire profil bas, espérant retrouver un jour son statut d’enquêteur hors pair. Rétrogradé de la police de Sydney suite à un conflit qui s’est envenimé, puis muté à Moorabool, il subit inlassablement les sarcasmes de ses nouveaux collègues. Je me suis très rapidement prise d’affection pour ce flic charismatique et clairvoyant, d’autant plus que ses confrères sont absolument imbuvables. La découverte du cadavre de son chien Charlie, la présence d’un rôdeur nocturne dans la propriété des Humphries et les appels répétés du siffleur de nuit, vont réveiller le détective en lui. Ainsi Goodenough décide de faire front, malgré les obstacles, pour mettre au jour la vérité. Un entêtement très vite remarqué par Hal Humphries, qui voit en lui un homme de confiance avec qui partager ses hypothèses. J’ai beaucoup aimé la relation qui se crée entre ces deux personnages, représentant à la fois l’innocence de la jeunesse et la sagesse de l’expérience.

« Mick gardait les yeux rivés sur la cloison derrière Bradley, qui se foutait de lui, et s’imagina passer le poing à travers le plâtre. Cependant, pour cette fois, il se contenta d’y penser. Il retint sa respiration et compta jusqu’à dix. Un progrès, d’une certaine façon. »

Le rythme est mesuré mais non dénué de tension, grâce à une atmosphère particulièrement poussiéreuse et oppressante. Secrets, violence, racisme ambiant, police locale défaillante, autant d’éléments qui nous plongent avec intérêt dans cette intrigue passionnante. Une ambiance comme je les aime, typique de l’Australie rurale, parfaite pour ce type de roman noir. L’ensemble n’est pas glauque pour autant, et j’ai particulièrement apprécié le décor des années soixante, qui ajoute une petite note d’angoisse et une lenteur appréciable. En effet, à une époque dépourvue de toute la technologie actuelle, les recherches prennent davantage de temps, les informations se transmettent moins rapidement, et le suspense n’en est que plus présent. Une époque où les enfants peuvent vadrouiller à leur guise, enfourchant leur vélo vers une destination inconnue, à la rencontre d’une nouvelle aventure. Également une époque où la violence (physique, psychologique) et la loi du plus fort règnent en maître. Mais tout ceci n’est jamais sans conséquences.

Un premier roman qui a su me convaincre, autant par son atmosphère que par ses mystères ou ses personnages.

Je remercie NetGalley et la maison d’édition pour l’envoi de ce roman. #LeSiffleurdenuit #NetGalleyFrance

Date de lecture : 20-22 avril 2022


Infos et Quatrième de couverture

Le siffleur de nuit de Greg Woodland
Edition : Belfond – Parution : 14/04/2022 – 398 pages – ISBN : 9782714494566

« Are You Lonesome Tonight ?
Atmosphère oppressante, personnages vibrants d’humanité et style envoûtant… Avec ce premier roman, Greg Woodland nous entraîne dans l’Australie de 1966 pour une balade terrifiante sur le territoire d’un monstre.

Ex-super flic de Sydney, Mick Goodenough se retrouve désormais à dresser des P.-V. dans la morne bourgade de Moorabool, en plein bush australien. Mais un jour, l’inspecteur déchu voit ses sens alertés par une série de faits étranges : des animaux qui disparaissent et qu’on retrouve mutilés sauvagement. Des bêtes toujours plus grosses, des sévices toujours plus sophistiqués.
Fraîchement arrivé à Moorabool également, Hal, douze ans, s’inquiète des coups de fil mystérieux que sa mère reçoit le soir. Une voix qui siffle les premières notes d’un tube d’Elvis, avant de raccrocher.
Si la police locale tourne ces appels nocturnes en dérision, Goodenough, lui, prend l’affaire très au sérieux. Avec le jeune Hal, il va se lancer sur les traces d’un danger qui les dépasse et rouvrir les plaies d’un drame non élucidé vieux de vingt ans. »

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Cet article a 14 commentaires

  1. « Une ambiance comme je les aime, typique de l’Australie rurale, parfaite pour ce type de roman noir. » Rien que cette phrase dans ta chronique, ça donne envie 😊 On imagine parfaite l’ambiance, le décor que tu as traversé dans ce roman.

    1. Caroline

      Oh oui, d’ailleurs, ça m’a donné envie de lire un autre Jane Harper qui traîne dans ma PAL depuis l’an dernier, « Sauvage ».

  2. Céline

    Tu me donnes envie de découvrir ce livre d’autant plus que je n’ai pas le souvenir d’avoir lu de romans australiens 🙂
    Bonne journée !

  3. loeilnoir

    Une lecture qui suscite le dépaysement, cela me tente bien !

    1. Caroline

      Je trouve que l’Australie, surtout rurale, se prête particulièrement bien au genre du thriller et du policier.

      1. loeilnoir

        Tout à fait, c’est mon impression également même si je ne lis pas souvent de littérature australienne : « Qu’ils brûlent » de Chris Hammer l’an dernier m’avait beaucoup plu, idem une petite ville isolée dans le bush où toutes les tensions accumulées par une communauté d’habitants engendrent le pire.

  4. Hedwige

    Tes chroniques sont particulièrement belles, Caroline

  5. Je ne l’avais pas repéré mais tu m’as donné très envie d’y remédier. J’aime bien l’idée de ce duo atypique entre un enfant et un policier, et l ‘ambiance de cette ville a l’air aussi étouffante que particulière !

    1. Caroline

      Je viens de voir qu’il y a une suite en VO, et je suis contente car j’aime beaucoup le personnage de Mick Goodenough.

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