Le serpent majuscule de Pierre Lemaître

Chronique – Le serpent majuscule de Pierre Lemaître

Le serpent majuscule de Pierre Lemaître

Polar

LECTURE AUDIO – Roman lu par Nicolas Djermag.

La folie meurtrière de la vieille Mathilde

Que se passe t’il quand une tueuse à gages vieillit et commence à perdre la tête ? De fâcheuses déconvenues qui pourraient bien mettre tout le monde dans la panade. Et que se passe t’il quand, de surcroît, ladite tueuse à gages est outrageusement chanceuse et brillante ? « C’est la cata, c’est la cata, c’est la catastrophe ! »1 Oh punaise ! Mais quelle histoire ! Quel roman noir délicieusement loufoque, drôle, incroyable !

Tout a commencé à cause du chien. Henri aurait dû savoir qu’il y avait anguille sous roche. Pas le genre de Mathilde ce travail. C’est trop voyant, trop risqué. Quand il comprend que son meilleur élément perd la raison, il est trop tard, elle est déjà incontrôlable, et les dommages collatéraux, irréversibles.

« Devenue forte et lente, la vue assez basse, transpirant aux premières chaleurs, conduisant à cinquante centimètres du pare-brise, elle a l’air de tout sauf de ce qu’elle est réellement. »

Pierre Lemaître brosse un portrait au vitriol de son personnage principal, Mathilde Perrin, une vieille dame, veuve, tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Enfin, en apparence. Car Mathilde est tueuse à gages, et elle est très douée pour son métier. Il faut dire qu’elle a commencé jeune, pendant la guerre. Cette dernière nous régale de ses réflexions saugrenues et décalées. Quand elle pense « quel con », elle dit « vous êtes gentil ».  Avec elle, tout le monde en prend pour son grade. Ludo, le dalmatien, le sait bien lui. Dès qu’il la sent un peu tendue, il se fait le plus petit possible, car c’est sûr, « sa vision est basée sur le mouvement »2. Disparaître des écrans radars, et attendre que ça passe !

Ce qui est hilarant chez elle, c’est le décalage totalement incongru entre les horribles choses qu’elle est en train de faire et les pensées qui l’habitent au même moment. Pourtant, Mathilde est un personnage qui m’a touchée, malgré son aigreur, malgré l’absurdité de son comportement. Elle peut se montrer très lucide, puis l’instant d’après, être convaincue de vérités qui n’en sont pas. Ses conversations fictives avec cet homme qu’elle aime malgré tout, m’ont beaucoup émue.

« Et voilà que le sang a traversé et envahi la moquette. Et pas qu’un peu ! C’est tout imbibé, une tache énorme ! Mathilde est furieuse. Allez nettoyer ça maintenant ! Le sang, avec l’encre, c’est ce qu’il y a de pire. »

Hasard ou malchance, d’autres protagonistes vont croiser sa route. A la manière d’un roman choral, ils sont tous narrateurs de leur histoire. Nous connaissons leurs pensées, mais nous avons un avantage sur eux, nous connaissons aussi celles de Mathilde. Des personnages intéressants et sympathiques, auxquels je me suis attachée. Je me suis notamment régalée de la relation entre Mathilde et son voisin, monsieur Lepoitevin. L’Alzheimer de « Monsieur », quant à lui, nous donne parfois des poussées d’adrénaline bienvenues.

Avec Le serpent majuscule, j’ai passé un super moment de lecture, un sourire planté tout du long sur le visage. Pas d’avis mitigé pour moi, non, un avis assuré et positif. Peu importe que ça soit un premier roman, peu importe qu’il ne soit pas parfait, je l’ai tout simplement a-do-ré ! Si vous ne l’avez pas encore lu, j’espère vraiment que vous souhaiterez le découvrir.

Mon avis sur la version audio Audiolib : Coup de cœur.

Nicolas Djermag est absolument exceptionnel ! Il a su capturer avec brio le ton et l’humour du roman et les retranscrire admirablement dans sa lecture. C’est un « sans-faute » pour ce narrateur que je place dans mes favoris !


1. Les trois frères
2. Jurrassic Park

Infos
Editeur : Albin Michel
Parution : 12/05/2021
336 pages
ISBN : 9782226392084
Quatrième de couverture
« Avec Mathilde, jamais une balle plus haute que l’autre, du travail propre et sans bavures. Ce soir est une exception. Une fantaisie. Elle aurait pu agir de plus loin, faire moins de dégâts, et ne tirer qu’une seule balle, bien sûr. » Dans ce réjouissant jeu de massacre où l’on tue tous les affreux, Pierre Lemaitre joue en virtuose de sa plume caustique. Avec cette œuvre de jeunesse inédite, il fait cadeau à ses lecteurs d’un roman noir et subversif qui marque ses adieux au genre. Dialogues cinglants, portraits saisissants, scénario impitoyable : du pur Pierre Lemaitre.
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Cet article a 7 commentaires

  1. J’adore les livres de Pierre Lemaitre. C’est je pourrais dire un de mes auteurs « chouchou ». Je n’ai pas encore lu celui-ci par contre. Merci pour ce joli retour 🙂

    1. Caroline

      Avec plaisir ! Il faut dire que j’étais très enthousiasmée !😂

  2. Wyndi

    Hihi il est dans ma PAL 🙂 Je vais me régaler !!
    Merci pour cette jolie chronique

    1. Caroline

      Merci ! 😊 C’est vrai que ce roman m’a beaucoup emballée !

  3. @lo

    « Disparaître des écrans radars et attendre que ça se passe »

    Voici une formule à laquelle j’adhère, surtout en cette période de chaos, et quand j’aurais disparu, je prendrai le temps de lire ce livre qui a l’air de me correspondre.

    1. Caroline

      Excellent choix, c’est un roman qui redonne du peps !

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