La mer de la tranquillité d’Emily St. John Mandel

Science-fiction

Date de lecture : 25-26 déc. 2023

« … et l’obscurité s’abat, comme provoquée par une soudaine cécité ou une éclipse. Il a l’impression de se trouver dans un intérieur caverneux, genre gare de chemin de fer ou cathédrale, il entend des accords de violon, il y a des gens autour de lui, puis un son impossible à identifier… »

Exercice difficile que de parler de ce livre que j’ai beaucoup aimé. Toutes mes pensées sont arrivées dispersées et les regrouper en une trame à peu près lisible et cohérente a été laborieux. La mer de la tranquillité est un roman choral qui nous offre le point de vue de quatre protagonistes à travers quatre temporalités différentes, chacun d’entre eux étant relié par un même phénomène, la mélodie d’une berceuse jouée au violon, suivie d’un bruit étrange et sourd.

En 1912, dans le bois de Caiette, en Colombie britannique, Edwin entend la douce mélodie d’une berceuse jouée au violon alors qu’il s’approche d’un érable. En 2020, Mirella témoigne du même phénomène alors qu’elle assiste à une projection vidéo d’un concert expérimental en hommage à une amie disparue. En 2203, alors qu’elle vient promouvoir un de ses livres, Olive avoue avoir entendu ces mêmes notes de violon, un jour, dans un terminal d’aéronefs. Que signifie la récurrence de cette mélodie, à des dates si éloignées ?

Dans cette narration multiple et multi-temporelle, nous faisons la rencontre de Gaspery et Zoey, un frère et une soeur qui vivent sur une colonie lunaire en 2401. J’ai beaucoup aimé l’univers imaginé par l’autrice, qui, sans être technique, dessine bien les contours de cette société, où l’Institut du Temps occupe une place centrale. Zoey y travaille en tant que physicienne, et s’interroge sur la présence d’anomalies temporelles. Et justement, il semble bien qu’il y ait une anomalie. Dans ce contexte, Gaspery est chargé de mener une enquête dans les différentes époques concernées, pour tenter de repérer et réparer le problème. Mais rien ne se passera comme prévu.

« Si nous vivions dans une simulation, comment saurions-nous qu’il s’agit d’une simulation ? »

Il ne s’agit pas tant d’un roman évoquant le voyage dans le temps que d’un roman qui parle d’humanité et soulève des questions existentielles. Toutes ces temporalités agissent un peu comme une mise en abyme, où tous les récits s’emboîtent les uns dans les autres avec la précision d’une horloge mécanique.

J’ai beaucoup aimé le début de l’histoire, qui se déroule en 1912. Il y a quelque chose qui tient du rêve dans ce premier récit. Le lecteur évolue au même titre que le narrateur, Edwin, dans une réalité à l’atmosphère poétique et inquiétante, renforcée par la présence d’un prêtre étrange, sorti de nulle part. Cette entrée en matière a attisé ma curiosité autant qu’elle m’a déroutée.

« Aucune étoile ne brûle éternellement. On peut dire « C’est la fin du monde » avec conviction, mais ce qui se perd dans l’usage désinvolte de cette formule, c’est que le monde finira bel et bien un jour – au sens littéral. Pas « la civilisation », quoi que signifie ce mot, mais la planète à proprement parler. »

Avec La mer de la tranquillité, Emily St. John Mandel nous offre un roman infiniment poétique, empreint d’une douce mélancolie. Un roman de science-fiction, mais pas seulement, car il y a quelque chose d’assez métaphysique dans ce récit qui m’a charmée. J’y ai trouvé une certaine beauté et une émotion que je n’aurais pas soupçonnées. J’ai été emportée par l’histoire, bercée par la plume et émue par les personnages. À découvrir, sans aucun doute !

Infos & Quatrième de couverture

Chronique – La mer de la tranquillité d’Emily St. John Mandel
Éditeur : Rivages – Parution : 23/08/2023 – 304 pages – ISBN: 9782743660499 – Titre original : Sea of Tranquility
📗En poche chez Rivages, 2024

Emily St. John Mandel renouvelle le thème classique du voyage dans le temps à sa manière unique, dans une histoire envoûtante qui entremêle époques et personnages jusqu’au vertige. Quel est cet étrange phénomène qui semble se produire à diverses époques et toujours de la même façon ? Dans les bois de Caiette, au nord de l’île de Vancouver, des gens entendent une berceuse jouée au violon, accompagnée d’un bruissement évoquant un engin volant qui décolle. L’expérience est intense mais brève, au point que l’on pourrait croire à une hallucination. En 2401, sur une des colonies lunaires, l’institut du Temps veille à la cohésion temporelle de l’univers. Une brillante physicienne nommée Zoey s’interroge sur des anomalies qui la perturbent. Le monde tel qu’il existe ne serait-il qu’une simulation ?