Policier, Fantastique
Date de lecture : 18-20 mars 2025
J’ai découvert Julien Freu l’an dernier avec « Ce qui est enfoui », que j’avais beaucoup aimé et je crois que j’ai encore plus apprécié « Hors la brume ».
« En dessous de lui, les phares d’une voiture déchirèrent soudain la brume. L’homme se mit à rire – un long hululement dément – et des larmes de joie roulèrent sur son visage. Il se mordit fort l’intérieur des joues, rouvrant les cicatrices. Il caressa le marteau sur le siège passager. »
La scène d’ouverture m’a donné l’impression de renouer avec mes premiers amours, non je ne parle pas de la scène dans la voiture, mais plutôt de la série X-Files. Tout à fait le genre d’entrée en matière qu’affectionnait ce cher Chris Carter, juste avant l’apparition de son mythique générique.
Deux jeunes amoureux dans une Mercedes 200D rutilante, installés près d’un lac nimbé de brume. Quand soudain, surgissant de cette nappe de brouillard à l’aspect fantomatique, un homme armé d’un marteau. Je vous laisse deviner le sort atroce qui attend notre couple d’amants, préférant vous épargner les images « façon puzzle » qui me sont venues à l’esprit.
« Dis-leur que leurs chiffres, leurs idées, leurs valeurs vont brûler et qu’il va y avoir du sang sur ces putains de murs ! Dis-leur qu’ils sont en guerre à présent. Et qu’ils sont en guerre contre le réel. »
L’atmosphère est l’un des points forts des romans de Julien Freu. Cette fois encore, j’ai été totalement emportée par l’ambiance, retrouvant avec plaisir, et non sans une certaine nostalgie, la saveur des années 90. Le décor d’Herrières, petite ville industrielle sur le déclin, cernée de forêt, permet d’aborder des questions d’ordre social très intéressantes. L’usine du coin, principale source de travail, n’est plus assez rentable et doit subir un plan de redressement. Et on sait tous ce qui se cache derrière ces mots. La colère gronde chez les ouvriers, sourde, chargée de tension, jusque dans les entrailles de la terre.
« La douleur s’évadait de son crâne, créant une aura lumineuse qui éclaboussait une immense clairière, un gigantesque cimetière d’oiseaux aux ailes clouées. »
En dehors de l’enquête, ce sont les personnages que j’ai beaucoup aimés. À commencer par Ariel Lanecquer, ce commissaire handicapé par des céphalées chroniques insoutenables. Il est « un œil dans la nuit » – ou dans la brume, c’est selon – dont les mystérieuses visions offrent quelques détails précieux sur l’intrigue, si on daigne leur accorder l’attention qu’elles méritent. « La douleur s’évadait de son crâne, créant une aura lumineuse qui éclaboussait une immense clairière, un gigantesque cimetière d’oiseaux aux ailes clouées. »
Léon et Hervé, les deux inspecteurs censés mener les investigations, ne sont pas mieux lotis. Le premier approche de la soixantaine, et si c’est un bon flic, il est un tantinet… susceptible. Le second est plutôt brillant, mais préoccupé par sa femme, qui paraît vivre dans un état second, une sorte de félicité étrange, qui n’augure rien de bon, du moins pour lui. « Claire était hautement magnétique. Des électrons de dopamine dansaient à l’intérieur d’elle. »
« La forêt exsudait une odeur de résine. C’était l’aventure. C’étaient deux gosses de dix ans, les cheveux dans le vent, l’urgence au ventre, des contrebandiers en BMX aux jantes ruinées de poussière. »
Les adolescents ne sont pas en reste, ce sont même des pièces essentielles de cet échiquier grandeur nature. Ce sont eux qui donnent au roman son incroyable attractivité, son énergie vibrante. Ils évoluent dans leur propre microcosme, seuls ou en groupe, entrant parfois en collision avec les adultes, comme Alexandre avec Ariel. Ces deux-là m’ont beaucoup touchée, j’ai trouvé leur relation attendrissante et j’avoue avoir eu la larme à l’oeil parfois.
Et que serait un polar fantastique sans un tueur digne des plus grands slashers, à l’esprit aussi tordu que son dessein est fou, l’écho de son rire dément se répercutant à travers toute la plaine ?!
J’ai retrouvé avec Hors la brume le même plaisir que j’avais, adolescente, à plonger dans des œuvres du genre fantastique ou horrifique, telles que X-Files, Ça ou Halloween. Un savoureux mélange de peur et d’émotion, souligné par une ambiance surnaturelle et une dimension sociale remarquables. Une excellente lecture !
Découvrez d’autres avis sur ce roman : Aude Bouquine.
Infos & Quatrième de couverture

Hors la brume de Julien Freu
Éditeur : Actes Sud – Parution : 12/03/2025 – 336 pages – ISBN: 9782330203870.
Hérrières, hiver 1994. Un jeune couple d’amoureux est assassiné sur le parking du lac. Un rire glaçant retentit dans la nuit brumeuse.
Chargé de l’enquête, le commissaire Ariel Lanecquer lutte contre ses propres démons : des migraines insoutenables et des visions violentes qui le hantent. L’image d’une camionnette revient sans cesse.
Le tueur insaisissable frappe à nouveau, la rumeur enfle autour de la fermeture prochaine de l’usine et, dans une clairière toute proche, des centaines d’oiseaux sont retrouvés cloués aux arbres, dans une mise en scène macabre. Des lycéens, liés aux victimes, se confrontent alors aux lourds secrets d’Hérrières…
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« Ce qui est enfoui » m’a captivée du début à la fin, et ce n’était pas chose aisée sachant que je venais tout juste de terminer « Notre part de nuit ». Ce roman très référencé fait la part belle aux années 90. Une histoire fantastique, une intrigue palpitante, un gendarme héroïque, d’autres types qui le sont un peu moins et des gosses géniaux. Bref, un bon cocktail en somme.
Au premier abord il s’agit d’une intrigue policière avec disparitions inexpliquées d’enfants. On va suivre un groupe d’adolescents, une fille, trois garçons, et (re)plonger dans toute une époque, ses groupes de musique, ses jeux de rôle, le collège et ses codes. J’ai beaucoup aimé la part fantastique, le mystérieux homme qui marche, l’étrange société, le fantôme.
J’ai lu ce livre la nuit (oui, je faisais une insomnie) et j’ai parfois eu la chair de poule. Il faut dire que les histoires de fantômes ne me rendent jamais très courageuse. Une scène en particulier m’a bien fait flipper. De plus, j’ai trouvé la fin très bien trouvée.
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Je trouve cette couverture flippante à souhait. Je me le note car j’apprécie ces ambiances là, avec en plus ton retour qui est particulièrement réussi Caroline.
Merci beaucoup Caroline pour cette belle chronique qui ravira l’auteur s’il te lit 😉. J’ai beaucoup aimé moi aussi « Ce qui est enfoui ». L’atmosphère tout à fait étrange m’a vraiment beaucoup plu. Et celui-ci semble de la même veine, alors cela me réjouit puisqu’il est dans ma PAL 🎉.