On m’appelle Demon Copperhead de Barbara Kingsolver
Roman social
Date de lecture : 12-15 fév. 2025
Lecture audio → Roman lu par Benjamin Jungers – Roman lu dans le cadre du Prix Audiolib 2025.
Coup de coeur ❤️
« Y a un nom qui te trouve, et tu y réponds comme un bon chien jusqu’au jour où tu meurs et alors il est marqué dans le journal avec ton nom officiel que tout le monde a oublié. »
Cette histoire, c’est celle de Damon Fields, alias Demon Copperhead. Avec une éloquence remarquable et une pointe de cynisme ravageur, Demon fait le récit de sa vie, depuis sa naissance « rock-and-roll » dans une caravane où il s’est « mis au monde tout seul », à l’âge adulte. Une entrée dans la vie qui ne commence pas sous les meilleurs auspices, à l’image des années suivantes, qui ne seront qu’une succession d’étapes tumultueuses. Foutu destin !
Demon, je m’y suis attachée d’emblée et pour toujours. Mon coeur n’a cessé de battre, d’abord pour l’enfant, qui, en dépit de la pauvreté et de la toxicomanie de sa mère, trouvait de la joie dans l’existence, en partie grâce à son ami Maggot et à ses grands-parents, les Peggot. Le genre de personnes qui font partie des belles rencontres, de celles qui changent une vie et qui la rendent belle, malgré la laideur du reste autour.
« Même pas né dans un hôpital avec une mère qui avait l’intention de me ramener dans son mobil-home, mais né dans le mobil-home, un vrai champion des cas sociaux quoi. Les gamins comme moi avec leur mère adolescente qui te passe du whisky sur les gencives pour te faire taire, te met du Coca dans le biberon, on est la misère du monde. »
L’enfant grandit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, celle de la fatalité, comme si le destin ne voulait pas lui lâcher la grappe, parce que c’est ainsi. On ne naît pas tous avec les mêmes chances, et bien souvent, tout comme le serpent qui se mord la queue, le cercle, vicieux, se répète inlassablement. Il suffit d’une faiblesse, et c’est la chute. Difficile d’y échapper, de contrer les obstacles sur le chemin.
Pourtant, Demon se démarque par sa capacité de résilience. Il fait preuve d’une volonté tenace et d’une perspicacité saisissante pour son jeune âge. Il connaît la faim, l’exploitation, la douleur et la perte, mais il se bat pour survivre. Et je l’ai aimé pour cela. Pour ce courage immense qui le caractérise, pour son espérance malgré les épreuves, pour sa bonté envers les autres.
Ce récit, c’est aussi le reflet d’une société à deux vitesses, de la fracture, de la face cachée de l’Amérique, celle des rednecks et de la misère économique et sociale. Cette Amérique des champs de tabac et des mines de charbon qu’on a cessé d’exploiter, laissant toute une population sur le bord de la route, exsangue et oubliée, cachée aux yeux du monde par la gigantesque chaîne montagneuse des Appalaches. Et on n’imagine pas toutes les conséquences que peuvent avoir ces faits, mis bout à bout. La drogue en étant l’une des plus flagrantes. J’ignorais totalement l’essor des opioïdes à cette époque, que de nombreux médecins prescrivaient contre la douleur et qui ont rendu des gosses dépendants à un point souvent irréversible, voire tragique. Foutu destin !
On a l’impression que ce garçon a vécu mille vies, toutes aussi mouvementées les unes que les autres. Après tout ce que je viens d’évoquer, vous pourriez croire à un récit sombre, sans lumière et sans espoir. Mais il n’en est rien. La vie de Demon est une véritable épopée, où l’amour et la beauté s’invitent parfois dans la narration. Il y a des rencontres qui illuminent l’existence, par leur simple présence, dans les bons comme les mauvais moments. Véritables bouées de sauvetage que la vie nous offre lorsqu’on est dans les abîmes, il faut s’y raccrocher comme à ses rêves, pour renaître au monde.
La fin choisie par l’autrice m’a bouleversée, et je la remercie car c’était le point final qu’il me fallait pour couronner ce roman de la mention “coup de coeur”.
« On m’appelle Demon Copperhead » est un grand et beau roman. Le genre de récit qui diffuse son souffle épique page après page, qui se propage jusque dans ton âme, et qui te marque à jamais. Un roman coup de coeur et un personnage inoubliable !
Dans sa version Audiolib, le livre est lu, je dirais même interprété, par Benjamin Jungers. Un narrateur qui fait partie de mon quotidien d’audio lectrice depuis quelques années maintenant, et que j’apprécie beaucoup. Il a ce timbre de voix particulier et reconnaissable entre tous, et pourtant, chaque fois que je l’écoute lire un roman, il réussit à se fondre dans son personnage, nous faisant oublier tous ceux qu’il a pu interprétés auparavant. Oui, c’est la même voix, cela étant, Demon Copperhead n’est pas Valentin Verne, par exemple. Benjamin Jungers sait donner corps à son personnage, saisir sa personnalité profonde, ici, on entend les fêlures, la pointe de cynisme et l’espoir. C’est toujours avec beaucoup d’émotion que j’écoute un roman lu par ce comédien. Et le voilà désormais avec un autre “rôle” marquant à son actif, celui de l’inoubliable Demon Copperhead.
Et comme les mots peuvent sembler parfois bien fades, rien de mieux que d’écouter un extrait pour se faire un avis.
Infos & Quatrième de couverture

On m’appelle Demon Copperhead de Barbara Kingsolver
Éditeur : Audiolib – Parution : 17/04/2024 – 22h04min – ISBN: 9791035415334 – Titre original : Demon Copperhead – Traduction : Martine Aubert.
Également disponible : 📕 En grand format chez Albin Michel, 2024 ; 📗 En poche chez Le Livre de Poche, 2025.
« Déjà, je me suis mis au monde tout seul. Ils étaient trois ou quatre à assister à l’événement, et ils m’ont toujours accordé une chose : c’est moi qui ai dû me taper le plus dur, vu que ma mère était, disons, hors du coup. »
Né à même le sol d’un mobil-home au fin fond des Appalaches d’une jeune toxicomane et d’un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d’un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d’accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l’addiction, ce garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l’égard des plus démunis. Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique épopée, c’est son instinct de survie qui triomphe. Demon saura-t-il devenir le héros de sa propre existence ?
Comment ne pas être attendri, secoué, bouleversé par la gouaille lucide et désespérée de ce David Copperfield des temps modernes ? S’il raconte sans fard une Amérique ravagée par les inégalités, l’ignorance et les opioïdes, le roman de Barbara Kingsolver lui redonne toute son humanité. L’autrice de L’Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres signe là un de ses romans les plus forts.
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Cette crise des opioïdes en Amérique a fait tellement de ravages, c’est fou de se dire que des médicaments censés aider les gens ont finalement fait autant de dégâts. Ce livre semble t’avoir bouleversé, merci pour cette présentation !
Tu sembles avoir lu ce roman avec ton coeur ce qui se ressent dans ton attachement au protagoniste et ton avis empli d’émotions.
Merci Caroline pour ton article ému et enthousiaste. J’espère trouver ce roman et en audio de préférence.
C’est un grand roman, je l’ai lu et il m’a bouleversé. Il est sombre et âpre ce livre mais il y a des moments d’émotions pure qui sont parmi les plus beaux que j’ai pu lire. Démon est un personnage que l’on n’oublie pas. C’est une certitude. Entièrement d’accord avec toi Caroline.
J’ai audiolu ce roman moi aussi et je suis 100% d’accord avec toi.
J’en suis ravie ! C’est tout à fait le genre de roman qui me botte. Le genre d’existence qui marque.
Ce récit semble très touchant. Merci pour cette découverte Caroline. 🤩
Il l’est ! C’est même plus que cela, c’est le récit d’une vie, des chaos de l’existence et de la possibilité d’une résilience. J’adore ce genre de roman, encore plus en audio car c’est une histoire qu’on nous raconte et quoi de mieux que l’oralité pour cela.