Taxi de nuit de Jack Clark
Roman noir, Polar
Date de lecture : 23-24 avril 2025
« C’est tout ce que t’as besoin de savoir. Va pas dans les quartiers sud. Ni dans les quartiers ouest. Va pas dans les endroits qui ressemblent à Cabrini. »
Taxi de nuit nous emmène au coeur du Chicago des années 1990, où nous allons suivre Eddie Miles, un chauffeur de taxi qui travaille la nuit. Un jour, il apprend qu’un de ses collègues a été assassiné – encore un – dans une cité où ce dernier n’aurait pourtant jamais mis les pieds. Profondément marqué, il va parcourir les rues, à la recherche d’une piste quelconque qui l’aiderait à faire la lumière sur le meurtre de Lenny. Mais, ce faisant, il va découvrir qu’un autre tueur sévit dans la ville.
Jack Clark nous plonge dans un Chicago noctambule peu reluisant, dominé par la criminalité, la drogue et le sexe. Et ce n’est pas cette pluie perpétuelle et le balai sans fin des essuie-glaces qui vont améliorer la situation. Un roman qui évoque des problématiques majeures de l’époque, telles que la gentrification, vues par les chauffeurs de taxi, qui sont confrontés de plein fouet à ces bouleversements sociaux et à la violence qui en découle. On ressent un contraste flagrant entre le règlement qui régit le métier de taxi public de Chicago, dont des extraits ouvrent chaque début de chapitre, et ce que les chauffeurs sont amenés à faire en pratique, souvent pour préserver leur vie.
Eddie, lui, a l’expérience salutaire. Il connaît les combines usées des uns et des autres pour l’arnaquer ou lui piquer son fric. Il connaît les zones et les clients à éviter, mais il fait aussi confiance à son instinct, et il lui arrive de laisser sa chance à celles et ceux qui ne sont pas très nets, non sans prendre certaines précautions. Preuve qu’il y a encore un peu d’espoir tout au fond du trou noir. Lenny le Polack, lui, était un type prudent. On l’a trop souvent roulé, alors, il préférait faire selon son idée plutôt que de risquer sa peau. Ce qui ne l’a pas empêché de se faire saigner.
J’ai beaucoup aimé le personnage d’Eddie, notre narrateur un peu paumé, un peu las, mais extrêmement perspicace quant à la nature humaine. On sent que sa carcasse pèse lourd, à l’instar de son passé, le manque de sa fille, partie vivre avec sa mère à des milliers de kilomètres de là, le faisant dangereusement danser au bord du gouffre. Lorsqu’il est témoin d’une agression envers une très jeune prostituée, probablement de l’âge de sa fille, il va se découvrir des ressources insoupçonnées et une volonté de mettre un terme à sa passivité. Au fil des pages, on le sent qui se redresse, s’arme de courage, bien décidé à reprendre sa vie en main. « L’ange de Relita » est dans la place !
Bien sûr, les flics sont sur le coup, enfin, du moins ont-ils connaissance de ces deux affaires. Mais bon, on ne va pas se mentir, les meurtres de prostituées, ça n’intéresse personne, quant aux chauffeurs de taxi… Ces porteurs d’insigne ont d’autres chats à fouetter, et des blancs-becs friqués autrement plus respectables à qui lécher les bottes. Eddie a bien saisi que s’il voulait changer les choses, il allait devoir se retrousser les manches et partir explorer seul les bas-fonds de la ville. Mais seul, un chauffeur de taxi ne l’est jamais tout à fait. C’est un boulot où règne l’esprit de solidarité, à travers les taquineries et petites tapes amicales, un petit verre à la fin du service pour resserrer les rangs. On partage les anecdotes amusantes aussi bien que la peur qui noue les tripes.
Taxi de nuit est un polar empreint d’une atmosphère mélancolique, au souffle noir et à l’ironie mordante, qui m’a charmée. Jack Clark donne admirablement vie à la ville de Chicago, brossant une peinture sociale vibrante d’authenticité. Son écriture est très visuelle, et convoque sans peine les images d’un récit auquel ne manque plus qu’une musique de Vangelis, du style « Blade Runner Blues ». À découvrir !
Je remercie NetGalley et la maison d’édition pour l’envoi de ce roman.
Infos & Quatrième de couverture

Taxi de nuit de Jack Clark
Éditeur : Sonatine – Parution : 15/05/2025 – 240 pages – ISBN: 9782383992363 – Titre original : Nobody’s Angel (2010) – Traduction : Samuel Sfez.
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Eddie Miles est taxi de nuit à Chicago. C’est un homme solitaire, qui connaît chaque recoin de la ville, depuis les quartiers les plus huppés jusqu’à ceux où il est devenu dangereux de s’aventurer. Du crépuscule à l’aube, chacune de ses courses est une nouvelle aventure, parfois heureuse, parfois périlleuse. Alors qu’un mystérieux tueur s’en prend aux chauffeurs de taxis, Eddie essaie tant bien que mal de ne pas se laisser gagner par la violence qui gangrène la ville. Jusqu’au jour où celle-ci l’atteint personnellement : il sauve de justesse une jeune prostituée passée à tabac, et un de ses meilleurs amis est victime du tueur. Eddie décide alors de prendre les choses en main…
Jack Clark a été chauffeur de taxi à Chicago pendant plus de trente ans. D’où le réalisme hallucinant qui habite cette chronique d’une ville la nuit. L’auteur y aborde d’une façon complètement inédite la fracture sociale, le racisme, la violence des métropoles, mais aussi la solidarité nécessaire pour y faire face. Taxi de nuit est également un roman noir à l’écriture électrique, au suspense omniprésent.
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L’ambiance a l’air immersive et le personnage d’Eddie intéressant à suivre notamment pour sa volonté d’agir malgré le cadre du ville peu reluisante. Heureusement que la solidarité bien présente semble apporter une lumière bienvenue.
Je le note pour tout ce que tu en dis si bien. Merci Caroline 🙂
Merci pour ton article qui montre la solidarité au coeur de la violence.
Du coup j’ai sollicité ce roman auprès de NetGalley.
J’espère que tu accrocheras toi aussi à cette ambiance un peu blues et au protagoniste d’Eddie.