Nulle part où revenir de Henry Wise
Policier, Roman noir
Date de lecture : 4-5 août 2025
Quand j’ai vu ce roman sur NetGalley, j’ai immédiatement été attirée par la couverture, qui m’a toute suite inspirée des images du sud des États-Unis. Il y a d’ailleurs des airs de S.A. Cosby dans « Nulle part où revenir », ce qui n’a pas été pour me déplaire.
« Le comté d’Euphoria lui semblait parfois être une tangente, une route non entretenue qui ne menait plus nulle part. »
Nulle part où revenir nous emmène dans le sud des États-Unis, où nous allons principalement suivre Will Seems, shérif adjoint du comté d’Euphoria. Après plusieurs années passées à Richmond, ce dernier est revenu vivre dans sa petite ville natale. Mais, Dawn est loin d’être un endroit paisible, et sa première enquête pour meurtre va le conduire sur des sentiers dangereux, où les fantômes du passé hantent encore les âmes des vivants.
« On appelle ça le marais du Snakefoot. En gros, c’est le trou du cul oublié au fin fond de ce comté oublié, un endroit où cohabitent des descendants d’esclaves évadés et le pire de la misère blanche. »
Ce que j’aime avant tout dans ce genre de roman, c’est le côté noir et social, plus que l’enquête policière en elle-même, même si les deux sont inévitablement liés. Nulle part où revenir est de cette trempe. On y retrouve cette atmosphère poisseuse et électrique, typique de ces villes du sud des États-Unis, au passé obscurci par près d’un siècle de ségrégation raciale. Un héritage lourd, d’autant plus que la région souffre d’un fort déclin économique. Plantations de tabac délabrées, maisons abandonnées, misère sociale, drogue, rien ne semble épargner les habitants de ce comté.
Dans la ville de Dawn, le point central de cette noirceur sans fond, son pôle magnétique, est sans conteste le Snakefoot, ce « pays » marécageux et oublié de tous, aussi glauque et sombre que les secrets qu’il dissimule. Avec une telle ambiance, on s’interroge, à juste titre, sur le retour à Dawn – mais aussi la fuite précipitée une décennie plus tôt – de Will Seems. Il semble évident que ce n’est pas le genre d’endroit où l’on aurait envie de (re)mettre les pieds, à moins d’avoir une bonne raison.
« Il avait essayé de ressusciter un passé innocent et familier, mais se retrouvait étranger au présent, à jamais coupable. Avait-il eu tort de quitter Richmond ? Avait-il fui, se mentant à lui-même et à son père quand il prétendait au contraire revenir pour réparer les choses, affronter la réalité ? »
Un jour qu’il aperçoit au loin une fumée noire, Seems se précipite pour découvrir la maison de Tom Janders, star locale du football, en proie aux flammes, et Zeke Hathom, son voisin, tentant de fuir les lieux. Tout se complique pour Seems lorsque le shérif Mills découvre que Janders est mort poignardé dans le dos, et lui ordonne d’arrêter Zeke Hathom. En effet, cet homme n’est autre que le père de son meilleur ami d’enfance, Sam, et sa femme Floressa a été pour lui comme une mère lorsqu’il a vécu des moments difficiles.
Malheureusement, dans ce petit coin des États-Unis, Zeke est aussi un homme noir, soupçonné d’avoir commis un meurtre. Pour sa famille, son innocence ne fait pourtant aucun doute, aussi, n’ayant aucune confiance en la justice locale, sa femme décide d’engager les services de Bennico Watts, une détective privée ayant une légère tendance à flirter avec les limites de la loi, pour mener une enquête impartiale.
Nulle part où revenir fait partie de ces romans policiers où l’identité du coupable compte moins que ses motivations. C’est une histoire où tout s’entremêle, où les choix que l’on fait et les conséquences qui en découlent ont des répercussions sur le long terme. Au fil des pages, on découvre des vies brisées, des passés tourmentés, des regrets amers, et une noirceur implacable qui m’a donné la sensation d’évoluer à la lisière du purgatoire et de l’enfer.
« Ils roulaient, contournant par le sud la région du Snakefoot, où tout paraissait mort. Will avait entendu raconter que des esclaves qui s’étaient évadés dans les marais avaient réussi à survivre là où aucun homme blanc ne pouvait aller sans succomber au désespoir. »
J’ai passé un très bon moment de lecture avec Nulle part où revenir, même s’il m’a manqué un petit quelque chose pour que ce roman devienne un coup de coeur. Un attachement plus profond aux protagonistes peut-être, ou cette impression que l’auteur est resté un peu en surface des problématiques sociales et sociétales soulevées. Pour autant, j’ai particulièrement apprécié l’atmosphère qui s’en dégage, cette nature sauvage et mystérieuse où viennent s’égarer les âmes écrasées par le désespoir.
Je suis ravie d’avoir découvert Henry Wise avec ce premier roman, que je vous recommande, notamment si vous aimez les polars ayant pour cadre le sud des États-Unis et tout le contexte historique et social qui s’y rattache.
Je remercie NetGalley et l’éditeur pour la lecture de ce roman.

Extrait

« Dans son lit, à Richmond, il lui suffisait de fermer les yeux pour se projeter « chez lui » : les marais grouillant du piémont et les affreux scalps des jeunes pins replantés après un feu de forêt ou un abattage ; le gazouillis des cailles sauvages en bordure des champs, dans les taillis exubérants ; les vagues impressions de vie sur une série de routes qui se ressemblaient toutes ; les austères silhouettes des plantations, esseulées dans leur monde d’horizons rougeoyants, de fumoirs et de granges à tabac ; cette lourde odeur résineuse de tabac, comme du raisin sec gorgé de sucre ; le coton dans les plaines de l’est, dont les têtes pointaient telles de douces étoiles tièdes. »
Infos & Quatrième de couverture

Nulle part où revenir de Henry Wise
Éditeur : Sonatine – Parution : 28/08/2025 – 432 pages – ISBN: 9782383992448 – Titre original : Holy City – Traduction : Julie Sibony.
Personne n’est innocent. Personne n’est libre. Personne n’est sacré.
Après dix années passées à Richmond, Will Seems revient dans la petite ville où il a grandi, pour prendre un poste d’adjoint au shérif. Il y retrouve cette terre du sud de la Virginie hantée par l’histoire, celle des riches plantations de tabac et de l’esclavage, que le progrès semble avoir oublié. Dans ce paysage désolé, entre marais et maisons abandonnées, le temps semble en effet s’être arrêté, les fantômes sont partout. Et Will va bientôt devoir affronter ceux de son propre passé lorsqu’un de ses amis d’enfance est assassiné. Alors qu’un vieil homme est suspecté, la communauté noire de la région engage une détective privée, Bennico Watts, pour l’innocenter. Si celle-ci ne s’entend guère avec Will, leur enquête va les mener tous les deux vers le snakefoot, ce territoire marécageux où depuis toujours se réfugient les exclus et les dépossédés, et où cohabitent aujourd’hui les descendants d’esclaves et les white trash. Bientôt ils vont réaliser que pour élucider un crime, la compréhension du lieu importe parfois tout autant que le mobile.
Avec ce premier roman, Henry Wise s’installe d’emblée dans la cour des grands. S’il nous offre le portrait stupéfiant d’une Amérique rurale, où règnent toujours de vieux démons, exaltés par une situation économique misérable, il tend à l’universel par la puissance de son style et de sa vision. Avec un personnage principal complexe, dont tous les repères s’effondrent dans un pays qu’il ne reconnaît plus, porté par un suspense et une atmosphère qui évoquent True Detective, Wise nous donne un très grand livre à la beauté désespérée.
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Merci Caroline pour cette découverte. Il me tente bien, même si quelques petits bémols. Je me le note ! 🙂
J’espère qu’il te plaira si tu as l’occasion de le lire.
Je suis d’accord avec toi, cette couverture a quelque chose d’attirant. Tu n’es pas passé loin du coup de cœur, c’est un bon signe même si il a manqué d’un petit plus au niveau problématiques sociales. Je le note car l’ambiance me tente bien. 🙂
Oui, je ne sais pas trop à quoi ça tient, car les sujets que j’aime voir traiter dans ce genre de roman sont bien présents, mais j’ai trouvé qu’ils étaient traités avec moins de profondeur que ne le ferait SA Cosby, par exemple.
C’est le style de romans que j’apprécie, je compte l’ajouter à ma pal. Bon week end
Ambiance vraiment bien retranscrite, bien du sud des États-Unis !
Dommage que l’auteur reste en surface mais l’ambiance a l’air de celles qui collent à la peau et qui marquent longtemps.
C’est ça Audrey. Je pense que si le côté noir/social avait été plus prononcé, plus assumé, j’aurais encore plus apprécié le livre. Car on te le vend quand même comme un polar à la S.A. Cosby, mais de ce point de vue là, on y est pas encore tout à fait.
Tu as vraiment apprécié ce roman, j’espère que beaucoup te suivront… Pour ma part j’ai apprécié le style de l’auteur et je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt mais quelques situations m’ont semblé peu crédibles…
Ah justement, Athalie a le même sentiment que toi dans son commentaire ci-dessous. J’avoue que ça ne m’a pas frappée sur le moment, peut-être parce qu’on est dans un de ces endroits un peu paumé, un peu à l’écart du monde, avec ses propres lois.
J’apprécie S.A. Cosby alors si cet auteur s’en rapproche ça peut m’intéresser. Merci pour ton chouette retour.
Apparemment c’est un premier livre et même s’il y a quelques lacunes, ta lecture, pour laquelle je te remercie😘, a été globalement intéressante. C’est sans doute un auteur qui mérite d’être suivi de près.
Oui, j’ai beaucoup aimé ce livre, même s’il n’a pas encore la puissance stylistique d’un S.A. Cosby (son écriture presque musicale que j’aime beaucoup), l’atmosphère du sud est bien présente en tout cas.
Je rejoins complétement ton avant dernier paragraphe, il manque quelque peu de profondeur ce titre ! Je n’ai pas compris, en plus ce que le personnage de la détective apportait à l’intrigue ( en plus, je ne spoile pas) ses méthodes sont peu crédibles !
Disons que c’est une détective qui joue avec les lignes, ce qui rend plus acceptable le manque de crédibilité j’imagine. Pour ma part, j’ai passé un bon moment, surtout une fois que l’histoire est bien mise en place. J’aurais juste aimé que le côté noir/social soit plus assumé, à l’image de S.A. Cosby justement.